L'absence de dialogue et, par voie de conséquence, les affrontements entre zadistes et forces de l'ordre risquent de se poursuivre encore un moment autour de la «zone à défendre» (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes. Les propos d'Emmanuel Macron dimanche soir sur BFM TV et Mediapart, estimant que la «colère» des opposants aux évacuations n'était «pas légitime» et que «tout ce qui devra être évacué le sera», à l'issue d'un nouveau délai de «régularisation» fixé au 23 avril, ne sont pas de nature à apaiser les tensions qui sévissent depuis plus d'une semaine sur ces 1 650 hectares de bocage, dont 1 200 hectares de terres agricoles, devenus au début de la décennie propriété de l'Etat.
Que veut l’Etat à Notre-Dame-des-Landes ?
Lors de son interview télévisée, le président de la République n'a pas laissé le moindre espace à de futures expérimentations sur ce site, balayant en quelques mots l'idée d'un projet alternatif pour dénoncer ce qui n'était à ses yeux qu'un «projet de désordre pour certains». Aujourd'hui, il est demandé aux occupants de la ZAD qui le souhaitent, expulsés ou non, de régulariser leur situation avant le 23 avril en déclarant leurs nom, âge et profession, en présentant un «projet agricole ou para-agricole» et en identifiant les parcelles concernées. Une chose - un projet individuel et nominatif - à laquelle les intéressés sont depuis toujours farouchement opposés. Sans compter le délai excessivement court fixé pour une telle démarche et une date en forme «d'ultimatum brutal» jugée dans tous les cas intenable par les zadistes.
Que répondent les zadistes ?
Dimanche, Dominique Fresneau, coprésident de l'Acipa, l'association historique d'opposants au projet d'aéroport, a dénoncé ce nouveau délai : «Je n'ai jamais travaillé avec un pistolet sur la tempe. On n'a jamais demandé à un agriculteur de monter un projet en six ou deux mois.» Pierrot, forgeron sur la ZAD, affiche tout autant sa défiance. «Nicole Klein [la préfète de Loire-Atlantique, ndlr] veut nous faire signer des conventions d'occupation précaires d'un an pour mieux nous virer après, lâche-t-il. Et de toute façon, les conditions sont telles que personne ne peut les remplir : il faut par exemple ne pas s'être opposé aux expulsions, ne pas avoir résisté aux forces de l'ordre… Même les paysans historiques ne remplissent pas ces conditions.» Si une petite minorité de zadistes se veut résolument «hors système» et refuse toute idée de régularisation, la très grande majorité de cette communauté très diverse avait de son côté adressé à la préfecture, dès le 6 avril, un projet de «convention provisoire collective», visant à une régularisation globale des situations des personnes vivant sur la ZAD.
Quel est le projet collectif des zadistes ?
Les occupants du site proposent une «convention collective en trois volets [qui] couvre les terres agricoles, les espaces boisés, ainsi que les habitats et bâtis à ce jour pris en charge et entretenus par le mouvement», détaille un collectif des représentants de la ZAD. Il précise que ce document pourrait être signé par l'association de loi 1901 «Pour un avenir commun dans le bocage», qui «regroupe différentes composantes du mouvement et usager·e·s du territoire - habitant·e·s, paysan·ne·s ou voisin·e·s». Le 9 avril, jour des premières évacuations, cette convention devait être complétée par la liste des différentes structures associatives, dans laquelle étaient identifiés les acteurs de la ZAD, et les activités autres que strictement agricoles. Outre le caractère individuel des déclarations demandées par les autorités, les occupants de la ZAD sont en effet profondément hostiles à un périmètre réduit aux seules pratiques «agricoles ou para-agricoles», voulant y associer toutes les autres composantes de la ZAD : fabrication de pain, transformation du lait, gestion des espaces boisés et des haies, artisanat, activités culturelles, etc. «La solidarité, le collectif, c'est le fondement de notre mouvement et toutes ces activités sont intrinsèquement liées», insiste une zadiste, installée depuis cinq ans sur la zone.
Un compromis est-il possible ?
Après l’abandon du projet d’aéroport, annoncé par Edouard Philippe le 17 janvier, une solution s’inspirant du modèle adopté en 1984 dans le Larzac, après la longue lutte menée pour s’opposer au projet d’extension d’un camp militaire, a été évoquée à plusieurs reprises. L’Etat avait alors mis ces terres à disposition des occupants dans le cadre d’un bail emphytéotique (de très longue durée), avec la création de la Société civile des terres du Larzac (SCTL). L’Etat est demeuré propriétaire des parcelles, les agriculteurs s’acquittant d’un loyer à la SCTL. Mais le gouvernement souhaite, à plus ou moins court terme, se débarrasser des terres de Notre-Dame-des-Landes. L’exécutif qui s’est dit opposé a toute gestion collective - comme l’a affirmé le secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Sébastien Lecornu lors d’une visite en mars dernier à Nantes - a très vite écarté une telle possibilité.
«On nous parle aujourd'hui à nouveau de dialogue mais ça demande un minimum d'écoute pour qu'on puisse trouver un mode de gestion collective du foncier, relève un porte-parole de la ZAD. Si c'est pour nous imposer à nouveau brutalement un cadre purement individualisant, ça ne peut pas marcher.» Autre solution, dans la mesure où l'Etat ne souhaite pas rester propriétaire de ces terres agricoles : la vente à une structure proche des zadistes. La transaction pourrait être financée par les nombreux soutiens qui se sont encore manifestés. Mais on est encore très loin d'une telle alternative.