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Libération
à la barre

Premières comparutions au tribunal de Nantes

Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport enterrédossier
Interpellées à l’issue de la manifestation de soutien aux zadistes dimanche, sept personnes comparaissaient lundi. Le procureur a demandé leur incarcération.
publié le 16 avril 2018 à 21h06

Lundi, la chambre des comparutions immédiates du tribunal correctionnel de Nantes se faisait une «spéciale Notre-Dame-des-Landes». Sept hommes devaient y être jugés, dans sept affaires distinctes, pour avoir jeté des projectiles sur les forces de l'ordre, samedi, lors de la manifestation en centre-ville contre les expulsions. Les premiers d'une longue série : vingt-quatre personnes ont été interpellées depuis le début de l'évacuation «partielle» de la «zone à défendre» (ZAD), il y a une semaine… En Loire-Atlantique, les deux parquets de Nantes et Saint-Nazaire ne plaisantent pas, en effet, avec tout ce qui a trait, de près ou de loin, avec la ZAD.

«Démesure». Quatre des prévenus jugés lundi ont demandé le renvoi de leur procès, comme la loi les y autorise, pour préparer leur défense. Le procureur de la République avait néanmoins systématiquement demandé leur incarcération en vue des prochaines audiences, prévues quatre à cinq semaines plus tard. Aucun, pourtant, n'avait le profil du dangereux Black Bloc : Laurent, un chauffeur routier de 32 ans, n'avait par exemple été condamné qu'une seule fois par le passé, pour une conduite en état d'ivresse. Le casier judiciaire d'Aubin, 27 ans, qui habite chez sa mère, était parfaitement vierge. «Je suis étonné de cette volonté de faire encore un exemple», soupire Me Stéphane Vallée, l'avocat du premier.

Les prévenus suffisamment confiants pour être jugés le jour même ont été quittes pour une belle frayeur. Comme Eric, chef de service à l'université de Nantes. Crâne dégarni et lunettes vissées sur le nez, ce fonctionnaire de 54 ans avait lui aussi un casier judiciaire vierge. Samedi, après avoir perdu son épouse et sa fille de 23 ans «dans une pluie de gaz lacrymogène», il avait pris en charge un couple de personnes âgées «complètement asphyxiées». Dans un geste de «rage» et de «consternation» face à la «démesure» de la réponse des policiers, ce secouriste au travail leur avait alors renvoyé «deux ou trois» grenades. Ce mari «doux» et «paisible», selon son épouse, a en revanche réfuté avoir fait les «doigts d'honneur» qui lui ont été prêtés. Le procureur de la République n'en a cure : il trouve à cet «arbitre des élégances» - qui joue du jazz dans un groupe - un air «docte» et «suffisant» qui l'agace profondément. «On sait se montrer sévère envers les petits voyous qui sévissent dans les quartiers, je ne vois pas pourquoi un fonctionnaire qui jette des projectiles sur les forces de l'ordre bénéficierait d'un quelconque privilège», a-t-il déclaré pour justifier les deux mois de prison ferme et l'incarcération immédiate qu'il demande. «Il faut que les peines soient exemplaires : c'est aujourd'hui qu'il faut marquer les esprits. La loi doit avoir une fonction intimidante.» Finalement, Eric n'a écopé «que» de six mois de prison avec sursis. Il devra aussi verser 650 euros de dommages et intérêts et de frais de justice au policier qui s'était constitué partie civile. Une peine qui sera inscrite à son casier judiciaire.

Ivre. Loïc, lui non plus, ne répond pas vraiment au cliché du zadiste à dreadlocks : cet étudiant de 20 ans en «game design», là encore inconnu de la justice, revenait d'un défilé de mannequinat bénévole. Lui aussi a échappé aux deux mois de prison ferme et au mandat de dépôt demandé par le procureur. Cet «adepte de la non-violence», qui avait «écarté» une grenade lacrymogène tombée à ses pieds, s'en sort avec cinq mois de prison avec sursis. Comme Pierre, «ambassadeur du tri sélectif» pour une communauté de communes. Cet homme de 31 ans barbu et chevelu avait fait tomber un CRS au sol en lui «tapotant» sur son casque alors qu'il était ivre. Seul un ressortissant anglais a été maintenu en détention à l'issue de cette journée. Il sera rejugé le 18 mai.