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Grève

La direction d'Air France joue la sortie de crise à quitte ou double

Après le refus des syndicats d'une revalorisation salariale étalée sur les quatre prochaines années, le président de la compagnie Jean-Marc Janaillac joue son va-tout en lançant une consultation de tous les salariés et annonce sa démission s'il est désavoué.
Le PDG démissionnaire d'Air-France-KLM Jean-Marc Janaillac le 18 avril 2018 à Paris (Photo ERIC PIERMONT. AFP)
publié le 20 avril 2018 à 19h38

Air France sort l’arme nucléaire contre les grévistes. Confrontée à un mouvement de grève unitaire de toutes les catégories de personnel et au refus des syndicats d’accepter ses propositions salariales, la direction de la compagnie a décidé d’en appeler à l’arbitrage de l’ensemble du personnel.

L'air grave et solennel, le PDG d'Air France-KLM Jean-Marc Janaillac a annoncé vendredi, lors d'une brève conférence de presse, que «face à la paralysie» de la situation, il avait décidé de lancer une «consultation auprès de l'ensemble des salariés, qui, depuis des années, se sont pleinement engagés pour le redressement et la compétitivité d'Air France». En cas de «résultat négatif, je ne vois pas comment je pourrais rester à la tête d'Air France», a-t-il précisé en mettant clairement sa démission dans la balance. Un scénario à quitte ou double, qui rappelle le référendum engagé en 1994 par le PDG de l'époque Christian Blanc, afin d'imposer un plan de réduction de coûts drastique dans une compagnie alors au bord de la faillite. Le «Oui» l'avait emporté haut la main avec 81,3% des suffrages.

Comme en 1994, cette consultation n'a pas de valeur légale. Elle se déroulera par vote électronique du 26 avril à début mai «pendant une dizaine de jours» et reprendra la dernière proposition de la direction rejetée par les syndicats représentatifs. Soit un accord pluriannuel comprenant une augmentation générale immédiate de 2% au 1er avril assortie de 1,65% par an de 2019 à 2021 pour aboutir au total à 7% de hausse sur quatre ans, qui s'ajoutent, selon la direction, «aux augmentations individuelles».

Un conflit à 220 millions d'euros

Une offre rejetée en bloc par l'intersyndicale des grévistes. Réunissant dix syndicats de personnels au sol, navigants commerciaux et pilotes, ces derniers continuent de réclamer 5,1% d'augmentation pour tous dès 2018 après avoir longtemps campé sur une revendication de 6% au titre du «rattrapage de l'inflation» après six années de blocage des salaires depuis 2011.

La direction a indiqué qu'en cas de réponse positive à sa consultation, elle soumettrait à nouveau son projet d'accord inchangé aux syndicats, fort de l'appui manifesté par la majorité de salariés. Depuis le début d'un conflit qui a déjà coûté 220 millions d'euros à la compagnie avec en moyenne 30% de vols annulés lors de chacune des neuf journées de grève, la direction n'a cessé de répéter qu'accorder «brutalement une telle augmentation» mettrait en péril la compétitivité de la compagnie confrontée à une concurrence «toujours plus acharnée». Après s'être d'abord limitée à 1% de hausse générale pour 2018, elle avait fini par doubler la mise à 2% en s'engageant à «étaler dans le temps» cette revalorisation des salaires. Les syndicats ont répondu que la proposition d'accord mise sur la table par la direction jusqu'à ce vendredi midi était «totalement farfelue» selon Philippe Evain, le président du SNPL Air France (le syndicat des pilotes) et qu'il s'agissait d'un «monumental enfumage» comme l'a affirmé le SNPNC, principal syndicat d'hôtesses et stewards de la compagnie.

«Une démission de PDG, ça ne nous fait pas peur»

«Je ne peux accepter le gâchis en cours alors même qu'une très large majorité des salariés est non-gréviste», a déclaré Jean-Marc Janaillac, (ndlr : au dernier pointage, la direction évaluait à 8% le nombre de grévistes sur l'ensemble du personnel) qui n'a pas hésité à dramatiser la situation en indiquant que «son avenir n'est rien à côté de l'immense enjeu que représente l'avenir d'Air France». «Il applique la méthode Blanc, a réagi un pilote joint par Libération. Ils ont tout essayé, la division, le mensonge sur l'impact de la grève et maintenant ils sortent leur va-tout pour casser le mouvement. Je ne mettrai pas un gros billet sur le oui, poursuit-il, parce qu'à la différence du précédent référendum où l'entreprise luttait pour sa survie, il ne s'agit cette fois que de nous rendre ce qui nous est dû au titre de nos efforts passés. Une démission de PDG, ça ne nous fait pas peur».

En attendant la réaction de l’intersyndicale et alors que l’action Air France était en baisse de 2,51% ce vendredi à la Bourse de Paris, deux nouvelles journées de grève sont d’ores et déjà prévues les 23 et 24 avril. Le taux de participation aura valeur de test à la veille de ce référendum de tous les dangers.