Menu
Libération
Récit

Trump-Macron : «Ils se parlent comme deux vieux potes»

Malgré leurs différences de style, les deux dirigeants affichent une grande proximité. Le président français entame lundi une visite d’Etat, la première organisée par son homologue américain.
Lors de la visite de Trump à l’Elysée, le 13 juillet 2017. (Photo Laurent Troude)
publié le 20 avril 2018 à 19h36
(mis à jour le 20 avril 2018 à 19h46)

«Confiante», «respectueuse», «fluide» : pour qualifier la relation entre Donald Trump et Emmanuel Macron, l'Elysée ne lésine pas sur les adjectifs valorisants. Le président américain est par ailleurs jugé «très intelligent» et même «cohérent». Nonobstant l'évidente différence de style entre les tweets lapidaires de l'un et la syntaxe sophistiquée de l'autre, les deux hommes auraient en commun d'avoir bousculé un «vieux monde» politique auquel ils étaient étrangers.

Une source élyséenne fait remarquer qu'ils se sont tous deux lancés dans la course à la présidence en affirmant vouloir «dépasser les postures et les résistances au changement». En dépit des apparences, les deux candidatures se seraient construites sur des diagnostics comparables et le slogan de l'un - «l'Europe qui protège» - ne serait pas si éloigné du «Make America Great Again» de l'autre. Voilà pourquoi la qualité de la relation Macron-Trump irait au-delà de ce qu'il est convenu d'appeler «de bonnes relations diplomatiques», insiste l'Elysée.

Jointures blanchies

Rien d’étonnant, donc, à ce que le président américain ait choisi de réserver à son homologue français la première visite d’Etat d’un dirigeant étranger à Washington depuis le début de sa présidence. Il est vrai que de Theresa May à Vladimir Poutine en passant par Angela Merkel, nombreux sont les chefs d’Etat ou de gouvernement qui ont eu droit, un jour où l’autre, à un message incendiaire du locataire de la Maison Blanche.

Entre Trump et Macron, la petite histoire retient qu’une sorte de fraternité d’armes se serait nouée à la faveur de la légendaire poignée de main qu’ils ont échangée le 25 mai 2017, en marge du sommet de l’Otan. Ce jour-là, pendant six interminables secondes, le quadragénaire a fait mieux que résister à la pince broyeuse du septuagénaire. Jointures blanchies, sourires crispés, les images de ce puéril duel ont fait les délices des médias outre-Atlantique. A en croire les fins connaisseurs de sa psychologie, Trump aurait été sensible à l’assurance de cet interlocuteur qui avait le bon goût de ne pas chercher à le flatter. Deux mois plus tard, l’invitation au défilé militaire du 14 Juillet sur les Champs-Elysées, précédé d’un dîner au restaurant de la tour Eiffel, aura achevé d’emballer Trump qui s’est mis en tête, ce jour-là, d’organiser lui aussi une grande parade militaire annuelle dans la capitale fédérale.

Depuis, les deux présidents échangent régulièrement au téléphone, entourés de leurs conseillers. Ils s'appellent au moins deux ou trois fois par mois ou plusieurs fois par semaine, comme ce fut le cas pendant la crise syrienne. Le ton est amical, très direct. «Ils se parlent comme deux vieux potes», confie une source à l'Elysée. Avant d'aborder l'ordre du jour, chacun donne des nouvelles de ses actualités domestiques. Toujours très content de lui, Trump a généralement sous le coude quelques chiffres forcément formidables censés illustrer les vertus de sa présidence pour l'économie américaine.

Mais à quoi bon cette bonne relation personnelle, ostensiblement célébrée, si elle ne sert, au bout du compte, qu'à redonner un peu de souffle à un président démonétisé ? Macron n'a-t-il pas lui-même suggéré, dans son discours du 17 avril devant le Parlement de Strasbourg, que Trump était de ceux qui mettent en péril le modèle démocratique cher aux Européens ? Dans l'entourage du président français, on reconnaît qu'il ne faut pas s'attendre à des «percées diplomatiques» sur les grands désaccords transatlantiques, Iran, climat ou commerce international : «L'ambition de cette visite n'est pas d'engranger des accords. Il s'agit de nourrir une dynamique. Ce voyage a une dimension symbolique. Si on arrive à démontrer que la relation franco-américaine est très forte, c'est déjà inestimable.»

Selon l'Elysée, la relation amicale n'aurait que des avantages. Elle permettrait «d'aller plus vite au cœur du sujet», de mieux comprendre les positions de Washington et de mieux expliquer celles de Paris. A l'occasion de la préparation des frappes contre le régime syrien, cela aurait, assure-t-on, incontestablement facilité la préparation d'une opération complexe. La même source assure que «le respect mutuel» permet une gestion plus fluide des désaccords. A propos du climat, quand Trump a appelé Macron pour lui dire «je vais sortir de l'accord de Paris», Macron l'a prévenu, toujours amicalement, qu'il allait devoir marquer sa désapprobation.

«Message d’affection»

Evidemment, Paris ne s'autorise pas le moindre commentaire sur les scabreuses affaires qui affolent Washington. On assure que les ennuis de Trump, ce président jugé «moralement inapte à sa fonction» par un ancien patron du FBI, ne parasitent pas les échanges entre les deux chefs d'Etat. On ne serait absolument pas gêné non plus par l'incessante valse au sommet de l'administration américaine, où vient de débarquer un nouveau directeur du Conseil de sécurité nationale, le très conservateur John Bolton, troisième à occuper ce poste depuis le début la présidence Trump.

Comme tous les présidents de la Ve République, à l'exception de François Hollande, Macron a été invité à s'exprimer devant le Congrès, mercredi, au troisième et dernier jour de sa visite. L'Elysée annonce un discours sur «les valeurs et la démocratie» ainsi qu'«un message d'affection» à la nation américaine. Convoquant le marquis de La Fayette, il ne manquera pas de célébrer, en anglais, l'exceptionnelle amitié entre deux nations qui n'ont «jamais connu un seul jour de guerre» et qui ont combattu côte à côte sur tous les théâtres d'opération. Il se trouve, heureuse coïncidence, que c'est aussi un 25 avril qu'en 1960, Charles de Gaulle s'était exprimé sous le dôme du Capitole.

Pour conclure cette visite d’Etat rythmée par de nombreux rendez-vous très protocolaires - dîner à la Maison Blanche, dîner privé à Mount Vernon, dans la maison de George Washington, cérémonie militaire au cimetière national d’Arlington -, le chef de l’Etat a tenu à ce que lui soit ménagée une séance de questions-réponses avec des étudiants à l’université George-Washington. Il a fait de cet exercice dont il raffole une figure imposée et, souvent, comme ce fut le cas à Ouagadougou ou à New Dehli, le moment fort, assez théâtral, de ses voyages officiels.