La politique, c’est un métier. On le regrette souvent et l’on se lance dans l’invocation rituelle des vertus de la «société civile». Cliché trop répandu. L’art de gouverner suppose un savoir-faire, un apprentissage, un talent particulier. On peut l’exercer avec rectitude et compétence. Cela arrive : c’est le haut du panier. On peut aussi se complaire en manœuvres médiocres, en trahisons de bas étage, en discours creux ou opportunistes. C’est le panier de crabes, généralement trop bien rempli. Certains apprennent très vite, comme Emmanuel Macron, Jean-Michel Blanquer et quelques autres. D’autres, aussi brillants soient-ils - ou soient-elles - dans leurs fonctions habituelles, peinent à la tâche. Françoise Nyssen en fait la dure expérience. La rumeur microcosmique spécule déjà sur son remplacement.
Si la politique, selon une autre formule classique, consiste à «dire des choses à des gens», il faut reconnaître que la ministre de la Culture n’y excelle pas naturellement. L’excuse de l’inexpérience a son temps. Il arrive un moment où, sans être Démosthène, on doit maîtriser l’exercice oratoire. Un politique maladroit dans ses discours est comme un joueur de rugby qui serait gêné par la forme ovale du ballon : il vaut mieux qu’il joue au football. Mais la rumeur microcosmique est souvent injuste et expéditive. La ministre de la Culture, excellente éditrice, elle-même passionnée d’art et de création, est animée d’une bonne volonté désarmante. La cruauté de la vie gouvernementale ne l’a pas encore mise hors-jeu. Telles les grenouilles qui demandent un roi, les milieux culturels seront bien avancés quand ils écoperont d’un petit marquis macronien cachant sous un vernis de culture générale énarchique une parcimonie comptable qui asséchera la création. On sait ce qu’on a : une ministre en formation. Redoutons les technocrates péremptoires qui confondent politique et management.