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Libération
#GadElmalehOutOfNetflix

Le sketch sur les Asiatiques de Gad Elmaleh et Kev Adams refait parler de lui

Gad Elmaleh a provoqué un tollé en interpellant Louise Chen, une DJette franco-taïwanaise qui s'était insurgée contre son sketch «Les Chinois», co-incarné avec Kev Adams. Un collectif de défense des droits des Asiatiques a lancé le hashtag #GadElmalehOutOfNetflix.
Kev Adams et Gad Elmaleh le 21 mai 2016 à Cannes. (Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)
publié le 23 avril 2018 à 18h35
(mis à jour le 24 avril 2018 à 11h22)

Avec ses clichés éculés, son usage du «yellow face» et son accent pseudo-asiatique moqueur digne de Michel Leeb, le sketch «les Chinois» commis par Kev Adams et Gad Elmaleh avait provoqué un tollé lors de sa diffusion sur M6 en décembre 2016. Alors qu'on aurait pu croire qu'il serait trappé par la suite, c'est en version longue qu'il a été rediffusé le 17 avril sur W9, ravivant illico la polémique. D'autant que les comiques concernés n'ont pas vraiment opté pour la stratégie de la discrétion ou du mea culpa à cette occasion, loin de là.

Depuis, la carrière de Gad Elmaleh s'est internationalisée, l'humoriste ne se contentant désormais pas que de la sixième chaîne française (ou ses cousines de la TNT) pour diffuser ses blagues : en 2016, il signait ainsi un contrat avec Netflix qui a proposé à ses 125 millions d'utilisateurs, répartis dans plus de 190 pays, deux nouveaux stand-up de Gad Elmaleh – le dernier, tout en anglais et intitulé American Dream, a débarqué sur la plateforme de streaming le 6 mars. De quoi donner un moyen de pression supplémentaire à ses détracteurs. Le Collectif asiatique décolonial (CAD) a ainsi enjoint Netflix à mettre un terme à la collaboration entamée avec Gad Elmaleh en lançant le hashtag #GadElmalehOutOfNetflix.

Outre les propos tenus dans son sketch, c'est l'attitude de Gad Elmaleh qui a provoqué l'ire des associations de défense des droits des personnes asiatiques : Sacha Lin-Jung, fondateur du collectif Mouvement des Franco-asiatiques (MDFA), l'a jugée «provocatrice». Sur son compte Instagram comme sur Twitter, l'humoriste qui s'est fait connaître en caricaturant «le Blond» a directement interpellé avec sarcasme la DJ Louise Chen et son «humour #bloggerstyle». Cette fille de mère alsacienne et de père taïwanais avait publié une tribune lors de la première diffusion du sketch incriminé. Elle y écrivait être «tombée en violent désamour avec [sa] moitié française».

 «On veut au moins des excuses»

«Les Asiatiques sont trop souvent vus comme des personnes discrètes, qui ne font pas de grabuge», explique Elodie Ye, vice-présidente de l'Association des jeunes Chinois de France (AJCF). C'était sans compter, ajoute-t-elle, sur «la deuxième génération d'immigrés qui non seulement maîtrise le français mais prend de plus en plus conscience des stéréotypes à l'encontre des Asiatiques». Elle s'insurge notamment de l'amalgame fait par les humoristes entre la communauté chinoise et asiatique: «C'est agaçant cette façon d'effacer les différentes identités asiatiques.»

L'humoriste a notamment été interpellé par le CAD, qui a lancé deux hashtags. Le premier, #M6grouperaciste, visait à reprocher à la chaîne W9 la rediffusion d'un sketch qui avait déjà fait scandale. Par l'usage du second, repris par des milliers d'internautes, #GadElmalehOutOfNetflix, le collectif cherche à couper court à «l'impunité dont il bénéficie ici», et en avertir les téléspectateurs américains. Une stratégie qui a sans doute peu de chance d'aboutir à une véritable «rupture» entre Elmaleh et la plateforme (rappelons que les spectacles Netflix originaux de Louis C.K. n'ont pas disparu de son catalogue, même si la société a rompu son contrat avec le comique accusé d'agression sexuelle), mais qui pourrait ternir son image de gendre idéal outre-Atlantique. Le site américain Buzzfeed s'est ainsi fait l'écho du scandale dans un article écrit en anglais et fortement partagé.

«Notre objectif, c'est d'obtenir au moins des excuses de la part de Kev Adams ou Gad Elmaleh», explique Brigitte, membre du collectif. Le silence des deux comiques face aux multiples interpellations d'internautes mécontents «montre un véritable mépris, corrobore Sacha Lin-Jung, c'est un comble, pour des gens de si haute voltige dans le milieu du divertissement». «Ils n'auraient jamais osé écrire un tel sketch au sujet d'une autre communauté», assure Sacha Lin-Jung du MDFA. «Très souvent, les humoristes prennent parti pour se moquer de leur propre culture, de leur propre communauté», ajoute-t-il, remarquant que ni Gad Elmaleh ni Kev Adams n'ont d'origine asiatique.

Malgré les nombreuses interpellations sur Twitter, la chaîne W9 n'a pas réagi aux appels du pied des associations. Selon Elodie Ye, de l'AJCF, «en rediffusant le sketch, la chaîne a prouvé qu'elle n'avait que faire des revendications des minorités asiatiques». Sollicité par Libération, le CSA indique avoir reçu une centaine de signalements de téléspectateurs depuis la rediffusion du sketch problématique.

[mise à jour, 24/04/2018] Gad Elmaleh a finalement réagi à la polémique sur le plateau de Touche pas à mon poste, présenté par son ami Cyril Hanouna, lundi 23 avril. Il y a présenté des excuses, assurant qu'«il y a un énorme malentendu sur ce que l'on a voulu faire dans ce sketch». Et d'ajouter, pour justifier son procédé de création comique: «On s'appuie volontairement sur des clichés, il n'y a aucune malice, il n'y a aucune intention de blesser une communauté.» Quitte à aller peu loin dans l'intellectualisation de la chose, il explique que le sketch est «une mise en abîme: c'est presque un sketch sur un sketch sur les Asiatiques».