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«Top Chef» passé à la moulinette

«Libération» a décortiqué les neuf saisons de l’émission de M6 dont la finale 2018 a lieu ce mercredi. S’en dégagent un casting très masculin, une représentation inégale du territoire et une cuisine chair et mer plus que légumes croquants.
par Julien Guillot, Clara Dealberto et Christelle Causse
publié le 24 avril 2018 à 20h26

En neuf saisons, l'émission culinaire de M6 a contribué à médiatiser de jeunes chefs. Depuis 2010, 134 candidats et candidates se sont affrontés, entre batailles de ballotines, duels de cromesquis et autres cuissons basse température entre terre et mer. En tant que spectateur, on a été souvent interpellé par le côté sexiste du ton de l'émission ou le côté «viandard» des épreuves. Pour vérifier cette impression, nous avons répertorié tous les participants, tous les jurés invités et toutes les épreuves afin de dresser une table complète de la vision de la cuisine dessinée par l'émission, dont la finale est diffusée ce mercredi.

Des femmes sans noms.

Premier constat, non seulement la parité n’est pas respectée, mais elle ne s’améliore pas du tout. Il y a en moyenne 21,8 % de candidates, avec un pic à 33 % sur la saison 5, grâce à la réintégration d’anciennes participantes. Sur les neuf éditions (les deux finalistes de cette année étant des hommes), les deux gagnantes Naoëlle d’Hainaut et Stéphanie Le Quellec représentent 22,2 % des lauréats. Du côté des chefs invités, c’est pire. S’il y a toujours une femme cheffe (Ghislaine Arabian puis Hélène Darroze) dans l’équipe permanente du jury, il y a systématiquement une majorité d’hommes. Episode révélateur, dans la saison 6, dix étoilées sont invitées à juger une épreuve intitulée «Revisiter deux plats inventés par des femmes». Tout au long de l’épreuve, aucune de ces cheffes n’est nommée. Nous les avons identifiées et voici donc leurs noms en exclusivité, trois ans après : Nicole Fagegaltier, Françoise Mutel, Virginie Basselot, Jacotte Brazier, Arabelle Meirlaen, Marie Rougier-Salvat, Anne Majourel, Sophie Bise, Sharon Frannais et Christelle Brua.

A l’Ouest, pas de cuistots.

Chez les candidats, trois zones se détachent : la région parisienne, le littoral méditerranéen et un combo nord de la France et Belgique. A priori, des régions qui fournissent le plus gros des participants des émissions de télé-réalité en général. Top Chef semble donc pencher plutôt du côté de la quête d'une célébrité warholienne que du concours culinaire. Les chefs invités viennent prioritairement de région parisienne, du nord de la France, de Bourgogne et du Sud-Est. La partie ouest de l'Hexagone est quasiment ignorée, alors que les restaurants étoilés par le guide Michelin sont uniformément représentés sur le territoire.

«Revisiter» l’animal mort.

A l'instar du Tour de France et de ses étapes mythiques, Top Chef a ses épreuves classiques : la guerre des restaurants, l'épreuve des enfants, la boîte noire… Les autres contiennent souvent le mot «sublimer» (pour un ingrédient imposé) ou «revisiter» (pour un plat à interpréter). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, Top Chef est majoritairement végé-friendly. 51 % des intitulés des 365 épreuves sont compatibles avec une interprétation végétarienne (les autres ont toutes pour contrainte de cuisiner de l'animal mort, ou vivant dans le cas des huîtres). Evidemment, cela ne veut pas dire que les participants se sont particulièrement rués sur l'occasion. Aucun candidat ne s'est jamais présenté comme chef végétarien. Dans les épreuves autour d'un produit, c'est la mer qui l'emporte avec le tiers des consignes comprenant poissons ou fruits de mer. Le plat le plus demandé ? Les moules-frites.