Que reste-t-il près d’un an après le sursaut spectaculaire de l’affaire Grégory ? Pas grand-chose, semble-t-il. Un scénario surgi du passé - le garçon de 4 ans aurait été enlevé, le 16 octobre 1984, par Bernard Laroche et Murielle Bolle et remis ensuite à Marcel et Jacqueline Jacob, grand-oncle et grand-tante de Grégory -, des centaines de pages de procédures, de nouvelles expertises, des soupçons mais toujours aucune preuve… Ce mercredi, les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon ont décidé la levée partielle du contrôle judiciaire de Murielle Bolle, 48 ans, mise en examen pour enlèvement suivi de mort. Autrement dit : elle est autorisée à quitter la Nièvre pour rentrer chez elle dans les Vosges.
Considérée comme un personnage central de l'affaire, celle qui était à l'époque une adolescente de 15 ans, n'a en revanche pas le droit de rentrer en contact avec les protagonistes du dossier ni la presse et devra pointer deux fois par semaine au commissariat. La levée de son contrôle judiciaire n'aura pas été sans mal: en janvier dernier, la chambre de l'instruction avait rejeté une demande similaire. «La détention de Mme Bolle était un scandale, sa remise en liberté est normale», a lancé l'un de ses avocats, Me Jean-Paul Teissonnière, à l'AFP.
Volte-face
Si la justice soupçonne Murielle Bolle d’avoir participé au rapt de Grégory, 4 ans, retrouvé pieds et poings liés la Vologne, trois décennies plus tard, il reste difficile de rattraper les errements de l’enquête initiale et de lutter contre les ravages du temps. La juge d’instruction Claire Barbier doit se débattre avec un éternel dilemme : à quel moment faut-il croire Murielle Bolle ? Est-ce lors de son audition du 2 novembre 1984, quand elle a confié aux gendarmes qu’elle était dans la voiture avec Bernard Laroche le jour de l’enlèvement du petit Grégory ? Ou lorsqu’elle s’est rétractée devant le juge Lambert trois jours plus tard pour ne plus jamais en démordre ?
Les enquêteurs sont convaincus que la jeune femme a fait volte-face sous la pression familiale. Ils ont donc repris avec minutie le déroulé de la soirée du 5 novembre 1984 précédant ses rétractations, tenté de savoir si la fameuse «scène de la rouste» décrite par un témoin de dernière minute était bien avérée. Patrick F, un cousin de Murielle Bolle a en effet relaté, en juin dernier, une explosion de violence dans le pavillon des Bolle à Laveline-sur-Bruyères après que l'adolescente a mis en cause son beau-frère, Bernard Laroche. «Murielle Bolle était en train de se faire massacrer à l'étage par Marie-Ange, sa mère et le titi [son père, ndlr].On l'entendait hurler, j'ai été choqué de voir Marie-Ange avec une poignée de cheveux de Murielle dans la main», a-t-il raconté. De son côté, Murielle Bolle soutient qu'elle n'a pas été malmenée par sa famille mais qu'elle a menti aux gendarmes sous la pression.
Qui dit vrai ? C'est ce que cherche désormais à savoir la juge d'instruction. Le témoignage de Patrick. F semble entaché d'incohérences dans le déroulé de la soirée. De plus, selon L'Est Républicain, qui a pu consulter l'un des derniers témoignages versé au dossier, sa présence à Laveline-sur-Bruyères paraît même sujette à caution. La mère de Patrick F., qui décrit son fils avec des assez mots durs, affirme: «Je n'étais pas là». « Attention à ce que vous dites, nous vous rappelons que vous témoignez sous serment », insistent les enquêteurs. Elle répond: « Puis alors ? Mais je m'en fous, qu'est-ce que vous allez me faire ? Me mettre en taule à 79 ans ? Je vous dis que je n'étais pas là, je le certifie ». Au final, retour à la case départ.