Menu
Libération
Gâchis

Le gaspillage vestimentaire dans le collimateur du gouvernement

Reprenant une idée portée par Emmaüs France, Edouard Philippe souhaite que les marques de vêtements lèguent leurs invendus à des associations, sur le modèle de ce qui se pratique dans le secteur alimentaire.
Les stands d'Emmaüs, au Parc des expositions, à Paris, en juin 2015. (AFP)
publié le 27 avril 2018 à 17h36

Chaque année, en France, 18 % de la production destinée à l’alimentation humaine serait perdue, ce qui équivaut à 150,8 kilos par habitant. Pour les vêtements, c’est à peu près le même processus, la date de péremption en moins. Les invendus vestimentaires représentent des tonnes de textiles qui posent un problème aussi bien environnemental (l’industrie textile est le deuxième secteur le plus polluant dans le monde, après le pétrole) qu’éthique.

Sur le modèle de ce qui se pratique désormais dans le secteur alimentaire (les moyennes et grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés ont, depuis 2016, l'obligation de conclure une convention avec une association caritative pour faciliter les dons alimentaires), Edouard Philippe a annoncé qu'une mesure obligeant les marques à se rapprocher d'associations pour léguer leurs invendus vestimentaires était dans les tuyaux gouvernementaux. D'ici à 2019, le gouvernement souhaite que plus aucun vêtement ne soit «jeté ou éliminé» a déclaré le Premier ministre lors de la présentation de son projet visant à développer, en France, une économie 100 % circulaire. Quelles marques seraient concernées ? Quelle sanction viserait les mauvais élèves ? Rien n'a encore été précisé par le gouvernement.

Production intensive

Portée par Emmaüs France, cette feuille de route, si elle se concrétisait, permettrait de développer le recyclage des vêtements. Actuellement, sur les 700 000 tonnes jetées chaque année en France, 160 000 sont triées et données aux plus démunis, ainsi recyclées par les associations caritatives ou par Le Relais, qui gère actuellement un tiers de l'ensemble des vêtements récupérés sur le territoire. Interrogée par le site Novethic, la directrice générale adjointe d'Emmaüs France, Valérie Fayard, se montre prudente : «Pour l'instant, rien n'est vraiment précisé, c'est une feuille de route de présentation, mais c'est une bonne nouvelle. L'échéance de 2019 va permettre au gouvernement de lancer un état des lieux de la situation, calculer le nombre de tonnages jetés, les procédés mis en place par les marques, les difficultés…»

Le géant de la «fast-fashion» H&M a été accusé d’avoir brûlé 60 tonnes de vêtements depuis 2013. La marque dément en partie l’information révélée en octobre dernier par les journalistes de l’émission Operation X diffusée sur la chaîne danoise TV/2. Elle assure que seuls les produits défectueux connaîtraient un tel sort. Rien que cette année, elle doit gérer plus de 3,5 milliards d’euros d’invendus, 7 % de plus qu’en 2017.

En France, une habitante de Rouen avait photographié des produits Celio lacérés et abandonnés près de l'un des magasins de la griffe qui s'était contenté d'expliquer que les produits malmenés étaient «importables».

Avec une production toujours plus intensive, des vêtements ringardisés avant même d’avoir été portés (H&M reçoit de nouveaux modèles chaque semaine dans ses boutiques contre 4 fois par an à ses débuts), une course au prix les plus bas, l’attachement au vêtement se réduit à peau de chagrin.