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Libération

Bolloré fait diversion dans la presse

publié le 29 avril 2018 à 20h46

Le problème, ce n'est pas moi, c'est vous. Voilà, en somme, la ligne de défense adoptée par Vincent Bolloré pour sa première prise de parole à la suite de sa mise en examen, mercredi, pour «corruption», «complicité d'abus de confiance» et «faux et usage de faux». L'homme d'affaires est poursuivi dans le cadre d'une instruction sur les conditions de l'attribution de concessions portuaires. Le groupe Bolloré est soupçonné d'avoir sous-facturé des conseils politiques par le biais de son agence de communication Havas lors de campagnes électorales en Guinée et au Togo, pour décrocher les contrats de gestion des ports de Conakry et Lomé. Selon l'industriel breton, les charges des juges d'instruction reposent avant tout sur le préjugé raciste que les pays africains sont une «terre de non-gouvernance, voire de corruption».

«J'ai réalisé au cours de ces derniers jours que ce que nous faisions en toute bonne foi depuis longtemps, vu à travers le prisme d'un continent africain considéré comme dirigé par des équipes sans foi ni loi, était le terreau d'une suspicion légitime», dit-il dans un texte publié par le Journal du dimanche. Bolloré assure que son groupe a investi 4 milliards d'euros dans l'économie du continent, somme représentant près de 20 % de ses activités. Puis s'interroge «sérieusement» : «Faut-il abandonner l'Afrique ?»

«Comment imaginer que des dépenses de communication de quelques centaines de milliers d'euros comptabilisées en toute transparence […] aient déterminé des investissements de centaines de millions d'euros pour des opérations portuaires où l'exigence technique est considérable, et obtenus à l'occasion d'appels d'offres internationaux ?» se défend aussi le milliardaire sur le fond du dossier.

En garde à vue dans les locaux de l'Office de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, Bolloré avait opté pour une ligne de défense plus évasive. Selon ces auditions révélées par le Monde, il a surtout plaidé l'ignorance : «Je n'ai pas participé à ces négociations» ; «je ne connais pas le dossier» ; «je n'ai jamais vu la facture» ; «je n'ai jamais vu de budget»… Selon lui, ces discussions se situent à un niveau hiérarchique trop bas pour qu'il soit impliqué et tenu informé avec précision.

Dans un rapport de synthèse du 25 avril, dont des extraits ont aussi été publiés par le Monde, les enquêteurs estiment que les perquisitions de 2016 au siège du groupe à Puteaux ont permis de mettre au jour «de nombreux indices qui, de par leur nature et leur chronologie, caractérisaient les contreparties obtenues par le groupe Bolloré contre le financement des campagnes de Faure Gnassingbé et Alpha Condé».