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Libération
reportage

1er mai : «On aurait mieux fait d’aller au parc»

1er Maidossier
A Paris mardi, le traditionnel défilé syndical a été dévié puis s’est dispersé avant même d’arriver place d’Italie à cause de violents débordements.
Lors de la manifestation parisienne, mardi 1er mai 2018. (Albert Facelly )
publié le 1er mai 2018 à 21h16

La manifestation du 1er Mai se voulait symbolique de la colère sociale. «C’est l’occasion de montrer qu’on se mobilise aussi en dehors de nos gares», plaidait ainsi un cheminot à Bastille, peu avant le départ du cortège, direction place d’Italie. Ajoutant : «La rumeur dit qu’il y aura de la casse aujourd’hui.» La rumeur s’est précisée, quand la préfecture a prévenu sur Twitter de la présence d’environ 1 200 personnes «masquées et cagoulées» en tête de cortège. Peu après 15 h 30, alors que le défilé parisien, à l’appel de la CGT, Solidaires, la FSU et des fédérations franciliennes de FO, poursuit son chemin, plusieurs explosions résonnent. Des projectiles sont jetés contre un McDonald’s, boulevard de l’Hôpital. La foule arrête sa marche alors que des flammes s’échappent du fast- food. Des camions de pompiers arrivent, traversant un cortège immobile. Fumée, vitres brisées, intérieur du restaurant saccagé. La scène rappelle les violences vues à Paris lors des mobilisations contre la réforme du code du travail en 2016.

«Lacrymos». «On n’est pas venus là pour casser, on se croirait en Palestine», dit une vieille dame. Depuis la fenêtre d’un appartement, une femme crie : «Ne continuez pas avec vos enfants, ils jettent des lacrymos !» De l’autre côté du pont d’Austerlitz, les poussettes font demi-tour, chassées par l’air irrespirable. D’autres personnes attendent. A leurs pieds, deux panneaux sur lesquels il est écrit : «C’est tout le cortège qui soutient sa tête. Plutôt des vitrines cassées qu’un monde macronisé.» Quelques minutes plus tard, des individus attaquent une concession automobile, plus haut sur le boulevard. En tête de cortège, des projectiles sont échangés entre CRS et manifestants violents. Habillés de noir, portant des capuches, visage masqué ou encagoulé, ils sont rassemblés autour de banderoles telles que «Premiers de cordée, premiers guillotinés». Ils crient : «Tout le monde déteste la police», «Paris, debout, soulève-toi». De nombreux manifestant quittent les lieux. «On aurait mieux fait d’aller au parc», dit une femme à son conjoint. Pour faire reculer le cortège, des dizaines de grenades lacrymogènes sont jetées par les forces de l’ordre. Les manifestants jusque-là immobiles rebroussent chemin en direction du pont d’Austerlitz. Beaucoup sont en larmes, certains, touchés par des projectiles, soignent leurs plaies.

«Vous allez où ?» Dévié sur le quai de la Râpée après les incidents, le cortège s’est en partie dispersé. Un camion de la CGT tente de regrouper ses troupes pour poursuivre la manifestation. «On se regroupe ici pour continuer. Certains d’entre nous ont été visés, mais on va essayer de continuer», dit un militant au micro. De nouveaux projectiles sont échangés. Les gens fuient dans les rues voisines. La manifestation se disloque en plusieurs petits cortèges. Ils se croisent parfois et se questionnent : «Vous allez où ?» Au final, peu atteignent la place d’Italie. Il n’est plus question que de «casseurs». Syndiquée chez FO, Cécile, 62 ans, se désole qu’ils viennent «ternir l’image de la manifestation». Elle dénonce une «manipulation de l’opinion publique», qui risque de masquer la présence des «nombreux manifestants venus s’opposer à Macron». Nombreux, mais pas assez pour certains, qui regrettent que l’appel de la CGT pour un 1er Mai unitaire n’ait pas convaincu les autres syndicats. «C’est évident qu’on serait plus fort à plusieurs», souligne une militante de la FSU. En début de soirée, la préfecture de police annonçait que 200 personnes avaient été interpellées et placées en garde à vue. Le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a condamné «avec fermeté» les «violences et dégradations».

Dans les autres grandes villes, plusieurs dizaines de milliers de personnes avaient manifesté, souvent dans la matinée, dans une ambiance bon enfant, à l’appel de la CGT, rejointe par Solidaires et la FSU, et parfois par La France insoumise, le NPA, le PCF ou Lutte ouvrière. C’est ce qu’a préféré retenir la CGT, indique son communiqué : «Ce mardi 1er mai, plus de 210 000 manifestants de tout secteur public / privé ont manifesté dans tout le territoire, des manifestations festives, dynamiques, en famille».

Photo Albert Facelly