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Libération

4 mai : le gouvernement hésite, les manifestants s’organisent

publié le 3 mai 2018 à 19h16

Au matin du samedi 4 mai, l’impact des violences de la veille au Quartier latin laisse le gouvernement hésitant. L’opinion commence à s’émouvoir. La presse de droite fustige les émeutiers, les autres journaux s’interrogent sur la brutalité policière. Deux états-majors se mettent en place qui vont gérer tant bien que mal la suite des événements. L’un est déterminé, l’autre louvoyant. Les leaders étudiants sont rejoint par Alain Geismar, secrétaire général du Snesup, le syndicat de l’enseignement supérieur. Il n’a pas hésité : le soir même des affrontements, il lance un mot d’ordre de grève générale à l’université. Apport décisif : jusque-là, les troubles étudiants ne donnaient lieu qu’à des communiqués platoniques émis par les organisations classiques. A Normale sup, fief des maoïstes, puis au local du Snesup rue Monsieur-le-Prince, les représentants du 22-Mars et des autres groupes révolutionnaires décident de la tactique à suivre. Une quinzaine de manifestants ont été arrêtés et doivent passer au tribunal en urgence. Bon thème de mobilisation : les responsables étudiants convoquent deux manifestations pour le 6 mai, l’une près de la Sorbonne où Cohn-Bendit et les autres étudiants convoqués doivent comparaître devant le conseil de discipline, l’autre place Denfert-Rochereau à 18 h 30.

Au gouvernement les idées sont moins claires. Georges Pompidou est parti pour dix jours en Afghanistan pour une visite officielle. C’est Louis Joxe, ministre de la Justice, qui assure l’intérim. C’est un ancien résistant de juin 1940, lettré et subtil, dont les trois fils sont engagés dans le mouvement étudiant. Il incline à l’indulgence, tout comme Christian Fouchet, ministre de l’Intérieur, et Alain Peyrefitte, ministre de l’Education, qui craignent les réactions de l’opinion devant une répression trop brutale. Mais à l’Elysée, De Gaulle est d’un autre avis. Une émeute, dit-il, se jugule au début. Ensuite, on va de recul en recul. Quelques exemples bien choisis, une fermeté policière et tout rentrera dans l’ordre, laissant le gouvernement gouverner et le chef de l’Etat tirer bénéfice de la conférence sur le Vietnam qui doit s’ouvrir à Paris et dont il est l’artisan. Dans la journée, les juges prononcent quelques peines de prison avec sursis pour les jeunes trublions arrêtés. Mais d’autres audiences doivent avoir lieu le lendemain. Entretemps, les consignes de l’Elysée redescendent jusqu’aux magistrats. Indulgence ou fermeté ? Tandis que les leaders étudiants fourbissent les mots d’ordre, la journée du dimanche 5 mai sera décisive.