Le tribunal de Gap (Hautes-Alpes) a levé la détention provisoire prononcée dix jours plus tôt à l'encontre de trois jeunes manifestants à l'issue d'une marche de militants engagés dans le soutien aux migrants, le 22 avril au col de Montgenèvre, à la frontière franco-italienne. En se mêlant à cette manifestation improvisée en réaction à l'opération de communication antimigrants du groupuscule d'extrême droite Génération identitaire, au même moment sur le col de l'Echelle tout proche, une vingtaine de migrants avaient pu passer la frontière. Cela avait valu aux trois manifestants interpellés le soir même à Briançon d'être poursuivis pour avoir «facilité ou tenté de faciliter l'entrée irrégulière en France» de migrants, «faits commis en bande organisée».
Ce jeudi, à l'issue d'une audience dense, le tribunal a justifié sa décision de libérer Théo, Belgo-Suisse de 23 ans, Bastien, Suisse de 26 ans, et Eleonora, Italienne de 24 ans, et de les placer sous contrôle judiciaire strict dans l'attente de leur jugement le 31 mai, par le fait que «les risques de réitération des faits ont changé» depuis sa première décision et que le contrôle judiciaire permettait «d'assurer la représentation» des prévenus à leur procès - prévu le 31 mai - et «d'éviter de nouveaux troubles».
Les avocats des jeunes gens avaient eu des mots très forts pour dénoncer l'incarcération de leurs clients. «Rien ne justifie le mandat de dépôt» de «cette marcheuse qui n'a fait que manifester pacifiquement, sans haine ni colère, dans la dignité, et passer une frontière», a tonné Me Philippe Chaudon, défenseur d'Eleonora, étudiante qui n'a, comme ses deux camarades, jamais eu de démêlé judiciaire ou policier. L'avocat Yassine Djermoune a, lui, dénoncé «l'usage totalement disproportionné de la force» à l'égard de son client Théo, «jeune humaniste brillant». Me Cécile Faure-Brac a décrit son client Bastien comme un «sapeur-pompier, étudiant intelligent, courtois et engagé», fort des soutiens écrits du doyen et du recteur de l'université de Genève, qui décrivent un «étudiant brillant», avant de demander au tribunal «d'arrêter cette violence qui s'abat sur lui».
Devant le tribunal, une clameur a salué l’annonce de la libération de ceux qu’on appelle «les trois de Briançon». Leur comité de soutien y avait réuni près de 200 personnes.