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Libération
Témoignage

Normale sup occupée : «On demande juste à pouvoir continuer de débattre» des réformes en cours

La prestigieuse Ecole normale supérieure, rue d'Ulm à Paris, a été fermée administrativement par la direction ce jeudi après une nuit d'occupation. Un étudiant resté à l'intérieur de l'établissement évoque le climat très tendu entretenu par la présence policière.
Devant l'Ecole normale supérieure (ENS), rue d'Ulm à Paris. (Photo Christophe Simon. AFP)
publié le 3 mai 2018 à 18h07
(mis à jour le 4 mai 2018 à 11h32)

Nouvelle entrée dans la contestation sociale : la prestigieuse Ecole normale sup (ENS), rue d'Ulm à Paris. Après une nuit d'occupation de l'une des salles après un colloque organisé dans la journée de mercredi, la direction a fermé administrativement ce jeudi l'établissement, demandant aux élèves logés à l'internat de quitter les lieux si possible – «la sécurité» ne pouvant pas être «totalement» garantie, a indiqué un porte-parole de l'école. Tous les accès à l'ENS ont été bloqués par des camions de CRS, selon l'AFP. A l'intérieur de l'école, ce jeudi soir, il y aurait encore une trentaine de personnes mobilisées ( sur 2500 élèves) et assez surprises de la tournure des événements, à en croire un étudiant de quatrième année présent, que Libération a joint par téléphone. (1) Il ne souhaite pas que son nom apparaisse dans l'article, par peur de représailles de la part de la direction de l'école ou de la police.

«Dès que l’on approche des grilles de l’entrée, la police nous prend en photo, pour nous identifier j’imagine. Il y a une réelle tension, on ne sait pas bien comment les choses vont évoluer dans les prochaines heures. Du coup on reste dans la cour, à courir derrière la direction de l’école pour que cet état d’urgence assez bizarre soit levé. Nous sommes une trentaine à peu près, moitié étudiants de l’ENS, moitié étudiants de l’extérieur. Il y en a aussi une dizaine de l’internat qui vivent leur vie – les seuls autorisés à entrer et sortir de l’établissement.

«Beaucoup d’entre nous sont choqués par le climat très tendu. Nous sommes de bons élèves, on demande simplement à pouvoir poursuivre nos réflexions en organisant un nouveau colloque sur la contestation sociale, comme celui de mercredi soir. C’était vraiment bien, les débats étaient très intéressants. Il y avait des cheminots, des personnels soignants, des étudiants d’autres universités… On devait être environ 500. L’idée était d’ouvrir nos portes à l’extérieur car on fait souvent le reproche aux étudiants de l’ENS d’être tournés sur eux-mêmes. Il est vrai aussi qu’au sein de l’école, il a été assez difficile ces dernières semaines de mobiliser, notamment sur la sélection à l’entrée de l’université alors que nous avons tous été dans nos parcours sursélectionnés ! Que ce soit à l’entrée de la prépa, puis par concours. Pour autant, on passe nos journées à l’université comme les autres, on ne vient que quelques heures par semaine rue d’Ulm. Nous sommes payés par l’Etat pour étudier. Surtout, on se destine à devenir des universitaires ! On va passer notre vie à la fac donc nous sommes complètement concernés. Personnellement, je n’ai aucune envie de devoir demain sélectionner les étudiants, j’estime que ce n’est pas mon rôle et ce n’est pas ma conception de ce que doit être l’université. On demande juste de pouvoir poursuivre nos débats et réflexions. C’est tout.»

(1) Après la publication de ce point de vue, un autre élève, en filière scientifique, nous a contacté, inquiet que ce témoignage apparaisse comme représentatif de l'ensemble des étudiants. «Depuis plusieurs années, il y a, au sein de l'ENS, une minorité extrémiste militante. Cette bande s'octroie souvent le droit de parler au nom de tout les normaliens alors qu'ils n'ont aucune légitimité et se voient souvent décriés au sein de l'école. Leur position n'est pas du tout représentative de l'avis des étudiants de l'ENS. Beaucoup, comme moi, sont favorables à la sélection à l'entrée de l'université.»