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Libération
«la Fête à Macron»

A «l’omelette», l’Elysée reconnaissant

L’exécutif se frotte les mains : face à lui n’existent plus que les extrêmes, «les deux côtés de l’omelette». En leur donnant de la crédibilité, il assure sa propre pérennité.
publié le 4 mai 2018 à 20h46

Dans le monde politique «recomposé» selon Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon a toute sa place. Il est même le bienvenu. Le tribun de La France insoumise, lui, se voit en premier opposant de gauche au macronisme.«Macron veut m'envoyer au second tour en 2022», fanfaronne-t-il volontiers en privé, ajoutant qu'il aurait lui, bien entendu, de bonnes chances de l'emporter. Une analyse que l'exécutif n'a aucune raison de démentir : vu du pouvoir, le tribun de La France insoumise est, avec Marine Le Pen, l'opposant parfait, celui qui fait trembler les gens raisonnables, confortant ainsi le camp des «progressistes».

Un proche du Premier ministre en convient : le gouvernement aime cette opposition, jugée outrancière et incapable d'incarner une véritable alternance. «François Ruffin, ce n'est qu'un cri, tranche Bruno Roger-Petit, porte-parole de l'Elysée, au sujet de l'organisateur de la "Fête à Macron". Il ne propose rien, n'explique rien, ne donne du sens à rien, ne construit rien. C'est une vanité qui s'empare de la détresse des gens et leur offre un exutoire sans perspectives.»

Ces derniers jours, les figures du macronisme ont abondamment commenté le rendez-vous de ce samedi, multipliant les mises en garde à l'endroit de ses organisateurs. Depuis l'Australie, Macron a dénoncé les «pyromanes indignés» tenant «un discours d'agitation», qui «veulent rejouer la partie démocratique [car] ils n'ont jamais accepté la défaite». Mercredi, Edouard Philippe a appelé les mêmes à «bien mesurer [leurs] propos» et leurs possibles conséquences. Vendredi, le ministre Gérald Darmanin a carrément taxé La France insoumise de «poujado-castrisme» aux «méthodes d'extrême droite». Des propos qui font exister l'événement en même temps qu'ils l'entourent d'une aura séditieuse, conformément à l'intérêt du camp Macron.

«Il n'y a pas qu'une seule opposition à nos yeux, elle se trouve des deux côtés de l'omelette, précise Matignon. Il se trouve qu'aujourd'hui, les insoumis font écho à la mobilisation sociale. Mais en d'autres circonstances, d'autres se rendront audibles : au moment des européennes [de 2019], ce sera sans doute le cas d'une frange droitière europhobe.» De ce côté-là de «l'omelette», les sondages confirment l'absence de dynamique autour de Laurent Wauquiez, nouveau patron de Les Républicains. Et font toujours de Marine Le Pen la principale valeur électorale à droite. Mais le chef de l'Etat ne nourrit guère de complexes vis-à-vis de la frontiste, un an après le débat de l'entre-deux-tours où celle-ci avait montré d'évidentes limites. Affaibli par la scission des partisans de Philippot, visé par plusieurs affaires judiciaires, mené par une Le Pen dévaluée, sans groupe à l'Assemblée et pauvre en relais locaux, le parti d'extrême droite n'a pas l'allure d'un prétendant au pouvoir. Il représente, pour l'instant, une opposition commode pour les macronistes, même si ces derniers en font volontiers leur épouvantail : «Si on se rate et que le pays tombe, c'est Le Pen», prévient un député LREM.

Ce qui se dessine ainsi, c'est le paysage politique dont rêvent les apôtres de la recomposition : le réformateur progressiste Macron, dernier et unique rempart face aux extrêmes. Ce scénario semble validé par un sondage Ifop publié par Paris Match mi-avril. Si la présidentielle devait se rejouer au printemps 2018, Macron serait largement en tête à 33 %, et ses seuls concurrents significatifs seraient Marine Le Pen (23 %) et Jean-Luc Mélenchon (16,5 %). Chef d'une droite siphonnée, Laurent Wauquiez (8 %) serait condamné à la figuration.