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Libération
Vu de Marseille

A la gare Saint-Charles, l'information voyageurs version CGT

Il y avait les gilets rouges des agents SNCF qui assistent les voyageurs pendant les conflits sociaux. Désormais, il y a ceux des syndicalistes marseillais, qui ont décidé ce vendredi d'expliquer directement aux voyageurs égarés pourquoi ils font grève.
Des cheminots CGT en grève, le 4 avril à la gare de Marseille. (Photo Bertrand Langlois. AFP)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 4 mai 2018 à 18h12

Les gilets rouges ont envahi la gare Saint-Charles. C'est jour de grève cheminote à Marseille, et depuis le début du conflit, les voyageurs se sont habitués à ces agents mandatés par la direction qui traînent dans le hall pour les orienter, et même leur offrir le café certains jours. Sauf que ce vendredi, la plupart des chasubles qui tournent dans la gare sont estampillés «CGT Assistance». C'est la nouvelle trouvaille du syndicat pour faire passer le message : produire leur propre maillot et jouer eux aussi les informateurs de voyageurs, en leur distribuant leur journal, la Vraie Info, où ils expliquent les raisons de leur lutte. Après un mois de conflit, c'est désormais dans une guerre de tranchée que sont embarqués les cheminots. Le gouvernement campant sur ses positions, la CGT, engagée dans un marathon qu'elle veut tenir jusqu'au bout de son calendrier, multiplie les opérations pour rester visible et rallier l'opinion à sa cause.

De bon matin, des équipes de grévistes, journal au poing, se sont postés à l'arrivée des rares trains qui circulent malgré tout. La plupart des voyageurs prennent poliment l'exemplaire, certains vont jusqu'à glisser un mot d'encouragement. D'autres grincent plutôt des dents, comme cette abonnée, plantée devant le tableau – dégarni – des départs. Une gréviste à gilet rouge, à qui elle avait demandé de l'aide, vient de lui annoncer que son train pour Vichy ne partirait finalement pas. «C'est gentil de nous renseigner, marmonne-t-elle, mais c'est nous les victimes. Agissez plutôt sur le gouvernement…» Derrière elle, près du stand café offert, Rémy Hours, secrétaire général CGT-Cheminots de Marseille, bataille avec une autre voyageuse. «Moi, je travaille dans une banque. Si je ne suis pas d'accord avec mon patron, je ne vais pas confisquer la carte bleue des clients ! s'énerve-t-elle. Agissez différemment, parce que là, on vous déteste !» Rémy Hours a l'habitude du discours «pris en otage» : «C'est la stratégie du gouvernement de nous monter les uns contre les autres, défend-il en retour. En faisant grève, les cheminots perdent la moitié de leur salaire pour défendre le service public. Vous connaissez beaucoup de salariés qui feraient ça ?»

«Un second souffle à donner»

Car les cheminots marseillais ne lâchent pas : s'ils ont un peu déserté les assemblées générales, le taux de grévistes, surtout chez les roulants, est toujours élevé, et le trafic très perturbé. Rémy Hours raconte même que la veille, les cheminots ont débattu en AG de la possibilité d'allonger le calendrier de grève à juillet et août. Faire durer le bras de fer plutôt que de durcir le rapport de force, c'est la stratégie de la CGT, ultra majoritaire à Marseille, là où Sud rail prône plutôt, comme c'est déjà le cas à Paris Nord, la radicalisation du mouvement. «Ici, on n'en est pas encore là, regrette Frédéric Michel, délégué Sud rail. Mais on est quand même en mode interrogation. On sent dans les AG qu'il y a un second souffle à donner à l'action et c'est en mai que ça doit se faire, pas en juin.»

Dans son viseur, la rencontre de lundi, à Paris, entre les syndicats et Edouard Philippe. Mais aussi l'opération «Gare morte» prévue le 14 mai partout en France. «Nous, à Sud, on a une idée de ce que ça peut être, une gare morte, poursuit le syndicaliste. C'est une gare où y a personne, ni usagers ni non-grévistes… Si ce sont vraiment les cheminots qui décident en AG de l'action à mener, et pas la CGT qui reste campée sur son calendrier, ça pourrait être un peu plus musclé…»