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Analyse

François Ruffin, le trublion de la «Fête à Macron»

Le député insoumis, initiateur du défilé de ce samedi contre le Président, est mis en avant par Mélenchon, qui le juge plus rassembleur. Au risque de lui brûler les ailes ?
A la Bourse du travail de Paris, le 4 avril. Au second plan, en chemise blanche, François Ruffin. (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 4 mai 2018 à 20h46

Un as de la communication. Jeudi après-midi, François Ruffin poste une nouvelle vidéo sur son terrain de jeu favori : les réseaux sociaux. Il arrive sur un cheval, qu'il maîtrise moyennement, afin de répondre à Emmanuel Macron. La veille, depuis l'Australie, le chef de l'Etat dénonçait les «pyromanes indignés», ceux qui «n'ont jamais accepté la défaite et veulent rejouer la partie démocratique». Une référence à la «Fête à Macron» qui se déroule ce samedi à Paris : une grande marche pour protester contre la politique du gouvernement et arroser la première année du Président à l'Elysée. D'une pierre deux coups. Sur son cheval, le député de la Somme, organisateur vedette de l'événement, manie l'ironie, qu'il maîtrise à merveille, contrairement au cheval. Le fondateur du journal Fakir commence comme ça : «Bon bah, pendant que Macron, Edouard Philippe et Gérard Collomb sont en train de m'accuser de mettre le feu à la France, tu vois, je fais un tour de cheval.» Le chevalier blanc des insoumis conclut : «C'est plutôt relax ! Et après on va jouer à la pétanque. Ça, ce sont vraiment des activités de pyromanes politiques.»

«Détonateur»

Depuis son élection, Ruffin joue de son originalité : son jean, sa paire de baskets, sa chemise sortie du pantalon, son langage sans détour et sa communication léchée. Il multiplie les coups d'éclat. Ses interventions à l'Assemblée, qu'il diffuse dans la foulée sur les réseaux sociaux, affolent les compteurs. Son collègue, le député du Nord Ugo Bernalicis, se marre : «Avec toutes ses vues, François fait de la concurrence aux chatons sur YouTube.»

Avec son style atypique, au Palais Bourbon,le membre du groupe parlementaire de La France insoumise s'est fait une place particulière : une sorte d'électron libre. Jean-Luc Mélenchon ne tombe pas du ciel. Il le sait, François Ruffin est «un gars que l'on ne peut pas caser dans une boîte», confie le leader de La France insoumise. D'ailleurs, il en tire des bénéfices à sa manière. En septembre, durant l'opposition contre les ordonnances, les relations entre Mélenchon - qui rêvait de faire défiler un million de personnes sur les Champs-Elysées -, les syndicats et les autres forces politiques à gauche étaient très tendues. Cette fois, il a décidé de faire un pas en arrière pour éviter les polémiques et filer (pour un tout petit moment) la première place à Ruffin, «un détonateur» capable d'ouvrir des espaces médiatiques et de rassembler. «Ça marche plutôt bien», se félicite Mélenchon.

Pour cause, François Ruffin a réussi à agréger du monde pour sa Fête à Macron, notamment toute la bande de Nuit debout, mais il en a également agacé plusieurs à gauche. Ils lui reprochent d'avoir décidé de la date du 5 mai sans les consulter. Philippe Martinez a décliné l'invitation. Le secrétaire général de la CGT explique à Libération : «Faire la Fête à Macron, une "journée pot-au-feu", nous, syndicalement, on ne sait pas ce que ça veut dire. Après, les adhérents font ce qu'ils veulent… » Au sujet de Ruffin, avec qui il entretient «de bonnes relations», il dit : «Ça fait longtemps que je le connais, il est syndiqué à la CGT. C'est quelqu'un que je respecte. Après, ce n'est pas un jour un homme politique, un jour le porte-parole de Nuit debout, un autre jour le rédacteur en chef de Fakir et un autre jour le réalisateur de Merci patron ! Il faut qu'il assume d'être un député de La France insoumise, c'est un homme politique.»

«Caricature»

Il y a peu, Benoît Hamon - qui sera dans la rue samedi et dont le mouvement appelle à venir participer -, mettait en images les propos de Martinez. Au tout début du mois d'avril, Ruffin contacte l'ancien socialiste par téléphone, il l'invite à la Bourse du travail, à Paris, pour une réunion publique. Il le prévient que les «politiques» ne prendront pas la parole. Hamon lui souffle qu'il ne sera pas disponible. Puis il lui pose une petite question : «Et toi, tu vas parler ?» Le député de la Somme répond oui, car il ne se classe pas dans le rang «des politiques». «Je lui ai rappelé que contrairement à moi, lui, il est élu de la République.» Et à en croire certains de ses proches, le député de la Somme commence à y prendre goût. «Après son élection, il ne savait pas trop s'il allait trouver sa place, il avait un peu la trouille. Aujourd'hui, c'est tout le contraire, il s'éclate, argumente un insoumis. Mais il doit faire attention à ne pas se la jouer trop perso et ne pas tomber dans la caricature, car le gouvernement n'attend que ça, le décrédibiliser alors que l'opposition a besoin de lui.»

Ne prêtant qu'aux riches, les questions sur son avenir politique se multiplient. Lorsqu'on interroge François Ruffin, il jure ne pas savoir. Chef de bande ? Il refuse d'enfiler le costume de Jean-Luc Mélenchon, qu'il compare à «Moïse et ses tables de la loi». La liberté a un prix. Le prochain quinquennat ? C'est trop loin pour lui. En attendant, une chose est certaine : il fera tout pour s'opposer à son meilleur adversaire, Emmanuel Macron, «de manière festive et déterminée», pour «rallumer le feu de l'espoir dans le cœur des gens».