Menu
Libération
Analyse

La «Fête à Macron» : les dessous d’une manif «pot-au-feu»

Derrière la «Fête à Macron», beaucoup d’anciens de Nuit debout, qui voient là l’occasion de passer des paroles aux actes.
Paris, 4 avril 2018. Bourse du travail. François Ruffin au micro. "Et si on essayait quelque chose?" Autour de François Ruffin. Appel à la mobilisation pour un mouvement social. (Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 4 mai 2018 à 20h46

Cette fois, ils marchent. Deux ans après le mouvement Nuit debout, né en marge des manifestations contre la loi travail en 2016, les tenants d’une contestation atypique remettent le couvert, appelant samedi à faire sa «Fête à Macron» entre les places de l’Opéra et de la Bastille à Paris. Contre «l’offensive néolibérale de l’exécutif», face à une «société de la mise en concurrence de tous» et un «système par et pour les riches», les cofondateurs de Nuit debout ont monté en six semaines une manifestation «pot-au-feu», mélangeant chars de carnaval, Orchestre debout et gâteau d’anniversaire pour fêter la première année d’Emmanuel Macron à l’Elysée.

Foutraques. Une absence de codes et de slogan unitaire pour attirer le plus de monde possible. Sous le soleil et, si possible, loin de toute violence après les scènes de guérilla urbaine du 1er Mai. «Mon objectif, c'est que les mamans et les papas avec leurs poussettes puissent venir protester contre la politique d'Emmanuel Macron», a insisté vendredi François Ruffin, maître de cérémonie médiatique du raout parisien.

Sous ses atours foutraques, l'initiative est hautement politique en pleine commémoration de Mai 68, portant l'espoir d'une convergence des luttes. Un «débordement général» que Nuit debout n'avait pas réussi à faire advenir il y a deux ans, contrairement à l'Espagne où les indignés sont parvenus à créer le parti Podemos. «Il faut dire à tous ceux qui se sentent dans le malheur qu'il y a une issue, expliquait mercredi le philosophe Frédéric Lordon. Il faut décheminotiser le conflit des cheminots.» Un an après le big bang politique de 2017, les partis de gauche (à l'exception du Parti socialiste) sont d'ailleurs de la partie cette fois, comme quelques fédérations syndicales et une grosse brochette d'associations.

«On a semé plein de graines avec Nuit debout. Il y a une forme de continuité aujourd'hui, analyse Loïc Canitrot, l'un des cofondateurs du mouvement de 2016. Il y a deux ans, les gens se sont réautorisés à parler et à penser politique. Ils se sont mis à agir, et là ils se rassemblent.» De fait, ce sont les réseaux nés place de la République à Paris qui se sont remis à l'œuvre fin mars pour préparer cette Fête à Macron. Entre-temps, ils se sont retrouvés dans les collectifs d'aide aux migrants ou les manifestations contre le traité Ceta. Lancés à Nuit debout, les débats sur le droit des animaux ou le revenu universel ont fait leur chemin lors de la présidentielle.

Chars. Samedi, autant par faute de moyens financiers que par volonté d’innover, les prises de parole se feront depuis les chars du cortège : des salariés en lutte, Corinne Masiero, l’actrice prêtant ses traits au capitaine Marleau, héroïne de la série du même nom, ou Jean-Luc Mélenchon sont programmés. Cinq minutes pour chacun. En 2016, le leader de la France insoumise expliquait qu’il ne voulait pas «récupérer» Nuit debout et s’était tenu à l’écart. Cette fois, par la grâce de François Ruffin, insoumis devenu député, Mélenchon est en plein dans la contestation. Face à Macron.