On ne les appelait pas encore les «insoumis». Les drapeaux rouges et ceux des partis membres du Front de gauche (PCF, Parti de gauche, ex-NPA…) étaient bien plus présents que les drapeaux tricolores. Mais depuis 2012, ces militants de gauche ont régulièrement marché, hors manifestations syndicales et souvent à l’appel de Jean-Luc Mélenchon, contre le pouvoir en place : hier celui de François Hollande, aujourd’hui celui d’Emmanuel Macron.
30 septembre 2012 : Contre le traité budgétaire européen
Les socialistes, accompagnés des écologistes, savourent encore leur victoire du printemps sur Nicolas Sarkozy. Jean-Luc Mélenchon convoque dès la rentrée les siens pour défiler à Paris contre la politique «austéritaire» de l'Union européenne. Contrairement à sa promesse de campagne, François Hollande n'a pas du tout «renégocié» le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui impose aux pays membres de l'UE la «règle d'or» de l'équilibre budgétaire. Première des multiples marches initiées par le Front de gauche sous le quinquennat. «Sans implication populaire, la conscience collective de gauche régresse et la résignation en est le prix, écrit alors Mélenchon sur son blog. Le Front de gauche a vocation à faire naître un front du peuple.»
5 mai 2013 : «Purifier l’atmosphère» Cahuzac
En plein scandale Cahuzac, Jean-Luc Mélenchon appelle les Français à une nouvelle marche parisienne pour «purifier cette atmosphère politique absolument insupportable» et donner «un grand coup de balai». Un an jour pour jour après l'accession de François Hollande à l'Elysée, l'ex-candidat Front de gauche à la présidentielle réussit son coup : certes critiqué par certains communistes pour son vocabulaire «outrancier», le coprésident du Parti de gauche voit l'ancienne prétendante écologiste à la présidence, Eva Joly, se joindre à lui dans le cortège. Les plus à gauche du gouvernement Ayrault dénoncent sa «stratégie rentre-dedans, grande gueule et perso» (Aurélie Filippetti) ou bien l'accusent de «divise[r] la gauche» (Benoît Hamon).
Mars-Mai 2016 : «Nuit Debout» contre la loi Travail
Ce coup-ci, Jean-Luc Mélenchon n'y est pour rien. Le 23 février 2016, François Ruffin n'est pas encore député La France insoumise mais simple patron du journal satirique Fakir et auteur du documentaire à succès, Merci Patron ! Ce soir-là, à l'issue d'une projection à la Bourse du travail, il propose à l'assemblée d'occuper une place à Paris après la manifestation contre la loi El Khomri prévue le 31 mars. Ce sera la République. Jusqu'à fin mai, sous la statue de Marianne, sont organisés des débats autogérés, de gauche mais sans leadership politique et syndical, même si beaucoup de leurs militants, sans drapeaux ni badges, sont présents dans l'organisation et l'assistance. De nombreux jeunes participent pour la première fois à un rassemblement politique et citoyen, viennent voir, passent en coup de vent, parfois restent tard. La police est là, mais les autorisations d'occupation du lieu par l'association Droit au logement empêchent des évacuations trop musclées. Chaque matin, le lieu est vidé. Chaque soir, bâches et tentes sont de nouveau installées pour permettre aux débats de se tenir. La loi El Khomri adoptée en force, le mouvement s'essouffle.
23 septembre 2017 : L’opposition au «coup d’état social»
Fort de ses 19 % au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon refait le coup de la «marche» du mois de septembre pour maintenir ses troupes en jambes. Place de la République à Paris, il dénonce le «coup d'Etat social» d'Emmanuel Macron et des ordonnances modifiant le code du travail. Mais son message est brouillé : d'abord en affirmant que «c'est la rue qui a abattu les nazis», ouvrant la voie à une polémique historique dont il se serait bien passé, ensuite en appelant les syndicats à mettre «un million» de personnes sur les Champs-Elysées pour faire reculer le chef de l'Etat et le gouvernement d'Edouard Philippe. Avec cette proposition, il braque des syndicats. Tirant la leçon, le chef de file de La France insoumise a remisé ses marches régulières au placard pour privilégier les batailles à l'Assemblée et les manifestations, moins sensibles car moins visibles, sur sa nouvelle terre d'élection marseillaise.