Le jeudi 13 mai 1993, à 9h30, un homme cagoulé et vêtu de noir, muni d’un sac de sport, entre dans la classe maternelle de Laurence Dreyfus de l’école Charcot à Neuilly-sur-Seine. Une des plus extraordinaires prises d’otages commence. Celle de 21 enfants âgés de trois ans, dont au moins neuf d’entre eux vont vivre 46 heures coupés du monde, sans avoir conscience que celui qui se fait appeler «HB» a dans sa main un détonateur relié à des bâtons de dynamite et menace de tout faire sauter. Il demande 100 millions de francs et une voiture pour fuir.
La France va vivre ces deux jours suspendus à des négociations dont le contenu ne fuitera pas, seulement rythmées par la sortie d'enfants, dont certain dans les bras d'un dénommé Nicolas Sarkozy. Il est alors maire de Neuilly et ministre du budget du gouvernement d'Edouard Balladur. Il a 38 ans et, comme il le dira plus tard, n'a alors connu «ni la peur, ni la mort».
Vingt-cinq ans plus tard, le documentaire de Laurent Kouchner diffusé ce lundi soir sur C8, se propose de dérouler, presque heure par heure, ce fait divers hors du commun. Sans voix off, tous les protagonistes de l’époque, y compris (et pour la première fois) l’institutrice Laurence Dreyfus et la capitaine médecin des sapeurs-pompiers Evelyne Lambert, enfermées toutes les deux avec les enfants et le preneur d’otage, racontent les dessous des tractations et l’écoulement de ces deux jours d’extraordinaire tension.
Bagout
Le plus désarçonnant dans ce vase clos est que personne ne comprend vraiment ce que veut Human Bomb. Et plus le temps passe, plus il apparaît clairement aux policiers que ces 100 millions de francs ne l’intéressent pas. Assez vite, il accepte de parlementer. Mais refuse de libérer les enfants si ce n’est au compte-gouttes, sans que personne n'en saisisse la logique. Menaçant mais pas violent, il communique des instructions sur papier dont la précision paranoïaque laisse les policiers interloqués. Après 24 heures de prise d’otage, il demande l’installation d’une caméra à l’intérieur de la classe pour prouver aux parents qu’il ne maltraite pas les enfants. On comprend vite qu’il vient de se condamner… Il finira effectivement abattu dans son sommeil.
Le film a la bonne idée de finir sur le profil, étonnement ordinaire, de cet ancien créateur d’entreprise en informatique, alors au chômage. Et on a du mal à ne pas penser que ce fait d’armes n’était rien d’autre qu’un dramatique appel au secours, auquel personne n’a rien compris.
Le documentaire offre également en creux un étonnant portait de Nicolas Sarkozy. Ou plutôt de deux Sarkozy : celui en action, et celui qui commente. Le premier était un homme politique en devenir. Le second, un retraité de la vie publique. Nul doute que ce drame a joué un rôle de détonateur (ou de révélateur) dans sa carrière. Les images de l'époque sont assez extraordinaires. On y voit et on y entend Sarkozy négocier avec Human Bomb la sortie des enfants. Déjà, tout le bagout de Sarko est là : impétueux, fanfaron, impatient… Courageux aussi. Face caméra, l'ex-chef de l'Etat lâche cette phrase promise à la postérité: «j'entendais les gouttes de sueur qui coulaient dans mon dos». A l'image, on est saisi du peu d'empathie dont il fait preuve vis-à-vis des jeunes enfants en pleurs qu'il sauve de la classe. Comme si l'important, pour lui, était ailleurs : celui d'être sur la photo, d'avoir déjà le premier rôle..
Human Bomb, prise d'otages à la maternelle de Neuilly, de Laurent Kouchner, lundi 14 mai à 21h10 sur C8.