«Je suis un homme né dans un corps de femme. Je me suis toujours senti et habillé comme un homme. J'ai emménagé il y a environ deux ans dans un petit village. C'est là que les remarques ont commencé. Je me souviens notamment d'un barbecue, au cours duquel une personne qui ne me connaissait absolument pas m'a traité de "sale gouine de merde".
«Je ne suis pas homosexuel, j'aime les femmes. A l'époque, je n'avais pas entamé ma transition, j'avais encore des seins, certes, mais je ressemblais à un homme. Dans le voisinage, on me disait souvent : "Toi, tu n'es pas un homme, tu es une femme", ou on me "traitait" de lesbienne. Ces provocations incessantes m'ont fait me sentir si mal que j'ai fini par aller voir mon médecin traitant. J'étais déprimé, et cela a fait ressurgir des épisodes douloureux : j'ai été victime d'attouchements à l'âge de 5 ans, puis de viol. Je pensais à ce moment-là que je ne pourrais jamais être heureux comme tout le monde.
«Par la suite, j’ai fini par penser que si je me faisais opérer, si je suivais des traitements hormonaux, alors peut-être on me laisserait tranquille. J’ai rencontré un psychiatre, une gynécologue, un chirurgien… Et entamé le processus, en mars 2017. Je prends des hormones depuis dix-sept mois, j’ai subi une double mastectomie. Sauf qu’on ne me laisse pas tranquille pour autant.
«Désormais, soit on parle de moi au féminin, soit je me fais traiter de "tapette" ou de "malade mental". On m'a déjà lancé : "Si je touche en bas, c'est pas une queue que je vais sentir, mais une chatte." Ma voiture a été vandalisée, on m'a menacé de s'en prendre à moi physiquement… J'étais à bout, je me sentais comme un animal, une source de curiosité, alors je suis allé porter plainte. Mais on ne m'a pas pris au sérieux, comme s'il fallait attendre quelque chose de plus grave pour agir. Une policière m'a suggéré de déménager. Ce n'est pas à moi de partir. Alors je ne quitte plus ma bombe lacrymogène.»