Pharmacies, supérettes, bureaux de poste, stations-service… Adil B. ratisse large, et à cadence très soutenue. En quelques mois, ce voleur récidiviste a commis pas moins d’une vingtaine de braquages – aux profits plutôt maigres – en plein cœur de la capitale et dans les Hauts-de-Seine. Agé de 41 ans, l’homme comparaît à partir de mardi devant les assises de Paris, pour vols avec arme en état de récidive.
Interpellé en mars 2016 après un énième forfait, Adil B. avait entamé sa série de larcins quatre mois plus tôt. Un après-midi de décembre, le malfaiteur se présente à la caisse du Carrefour City de Bois-Colombes. C’est dans cette ville des Hauts-de-Seine qu’il réside, logé chez sa mère. A son passage en caisse, le gaillard de 1,80 m se précipite sur le contenu du tiroir avant de menacer l’employée avec son arme.
Une fois la supérette dévalisée et 300 euros en poche, Adil B. se rend dans une boulangerie où il menace la mitronne avec son petit calibre… en plastique. Avant de s’éloigner tranquillement, baguette sous le bras. Butin : 250 euros. Deux mois plus tard, rebelote. Le braqueur s’attaque de nouveau à un supermarché de Courbevoie. Puis, il file chez le fleuriste avant de finir par deux pharmacies.
Pistolet en plastique
200 euros par-ci, 300 par-là… La vie d’Adil B. ressemble à un jour sans fin. Parfois, il lui arrive de perpétrer deux ou trois vols en quelques heures. Parfois aussi, à seulement quelques jours d’intervalles. De Bois-Colombes au quartier des Batignolles, le bandit joue à domicile la plupart du temps. Il se concentre sur des cibles non loin de chez sa mère ou à proximité de la ligne 13 du métro, qu’il emprunte régulièrement.
Son mode opératoire, lui, ne varie jamais. C’est toujours une casquette ou un casque de scooter enfoncé sur la tête, le visage dissimulé sous son écharpe, que le voleur à la carrure athlétique s’envole avec la caisse. Lorsqu’il se déplace avec ce deux-roues blanc que lui a laissé un copain parti en Australie, Adil B. laisse le moteur tourner pour mieux déguerpir.
En virée bretonne, ce natif de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) s’offre un guichet postal avec un faux pistolet acheté la veille au rayon enfants d’une grande surface. Mais si dans les premiers temps, celui qui a des airs de voyou à l’ancienne se sert d’une arme en plastique, il finit par se procurer une véritable arme de poing dont il usera dans ses derniers délits.
«Une éducation à la dure»
Comment l'accusé justifie-t-il cette frénésie de braquages ? «Il s'était endetté auprès d'un mec pas très recommandable, avance son conseil, Me Martin Desrues. A sa sortie de détention, il devait rembourser rapidement cette créance. Cela a été sa façon à lui de répondre à ce besoin d'argent.» Devant les policiers, une victime du voleur a déclaré avoir été surprise qu'Adil B. emporte même les pièces d'un euro.
Marqué par une enfance au côté d'un père à la main leste – «une éducation à la dure. C'était plus de la violence qu'autre chose» confiera l'accusé aux enquêteurs –, le jeune Adil bascule vite dans une vie d'errance et de délinquance. Sa scolarité est chaotique. Il redouble sa sixième, puis sa cinquième. Dès 13 ans, le garçon fugue. Cela dure tantôt quelques jours, tantôt quelques mois. Quand il ne dort pas chez des camarades de classe, l'adolescent erre dans les rues. Sa plus longue escapade s'étire sur trois mois : direction la côte d'Azur avec une bande de copains. Pour descendre, ils dérobent une voiture. Ils dorment dedans. Adil. B vole pour se nourrir.
«Braqueur des gares»
A 17 ans, le jeune homme d’origine marocaine est interpellé et incarcéré. Adil B. a été condamné douze fois pour vol, dont deux par la cour d’assises des Yvelines. A une époque, on l’avait affublé du surnom de «braqueur des gares». C’était le temps où il affectionnait particulièrement les guichets SNCF. De toute sa vie, le quadragénaire dit n’avoir travaillé que deux années.
Bien que détenteur d'un CAP serveur, le récidiviste a passé près de la moitié de son existence derrière les barreaux. Sa mère a dit aux enquêteurs qu'il était récemment «désemparé», découragé de ne pas trouver malgré ses recherches. Mais à la prison de Meaux où il est incarcéré, Adil B. est devenu chef d'atelier, précise son avocat, Me Desrues, décrivant un homme «fin, intelligent». Le procès se tient jusqu'à vendredi.