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Libération
Merci de l'avoir posée

Une université a-t-elle le droit de changer les modalités d'examen ?

Plusieurs facs, bloquées par les opposants à la loi ORE, ont dû annuler des épreuves dont les modalités sont régies par le code de l'éducation.
Des étudiants lors d'une assemblée générale à l'université de Nanterre, le 2 mai. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 16 mai 2018 à 13h15
(mis à jour le 17 mai 2018 à 10h46)

Frédérique Vidal l'a affirmé lundi : «Les examens se tiendront, nous le devons aux étudiants», a assuré la ministre de l'Enseignement supérieur condamnant dans le même temps sur Twitter «les blocages conduisant les présidents d'université à reprogrammer certains examens». Des propos de nouveau martelés mardi sur BFM TV et RMC par le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.

A la suite de blocages par des opposants à la réforme de l'accès à la fac (la loi ORE), les universités de Lumière Lyon-II, Aix-Marseille, Nanterre, Nantes, Paris-VIII (Saint-Denis), Grenoble et certaines unités de formation (UFR) de Paris-I-La Sorbonne notamment ont dû annuler des épreuves après avoir tenté pour certaines de les délocaliser. «C'est "reporté" à une échéance inconnue», indique à Libération un étudiant en licence d'histoire à la Sorbonne.

Que dit le code de l’éducation ?

Comme le rappelle le code de l'éducation avec l'article L613-1, «les règles communes pour la poursuite des études conduisant à des diplômes nationaux, les conditions d'obtention de ces titres et diplômes, le contrôle de ces conditions et les modalités de protection des titres qu'ils confèrent, sont définis par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur […].»

Il est précisé que «les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés» et que «les modalités de ces contrôles doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et ne peuvent être modifiées en cours d'année». Ni même par le ou la président(e) de l'université, précise Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l'éducation et auteure du Guide Piau, les droits des élèves et des parents d'élèves (éditions de L'Etudiant). Des modalités qu'on retrouve d'ailleurs dans les règlements intérieurs ou chartes d'examens de certains établissements, comme c'est le cas par exemple pour l'université Rennes-II ou Lyon-II.

Quelles pistes proposent les facs ?

Si certaines facs bloquées semblent s'orienter vers un report des examens, ce n'est pas le cas de Nantes où les enseignants ont annoncé des «devoirs maison» tandis qu'à Nanterre, le président de l'université, Jean-François Balaudé, a parlé de «formules alternatives d'examens à distance, en temps limité, en ligne, sécurisés», rapporte l'AFP. A Lyon-II, sa présidente, Nathalie Dompnier, a consulté lundi les responsables des différentes composantes au sujet de nouvelles modalités d'examens. Plusieurs pistes étaient étudiées comme des épreuves à distance, des écrits changés en oraux ou un report sur la deuxième session. «Les première et deuxième années de licence seront finalement évaluées pour l'essentiel sur le contrôle continu sauf lorsque des cours magistraux ne sont pas associés à des TD et là il s'agira d'un devoir à la maison, qui remplacera aussi systématiquement l'ensemble des épreuves prévues pour les troisièmes années de licence et les masters», explique-t-elle à Libération.

Est-ce légal ?

C'est loin de convenir à tous les étudiants. Pour maître Valérie Piau, la modification des critères d'évaluation peuvent «générer une rupture d'égalité. C'est une violation du code de l'éducation.» Selon elle, les élèves qui s'estiment lésés pourront tout à fait «intenter un recours en annulation [de l'épreuve] auprès du tribunal administratif pour demander sa nullité».

Nathalie Dompnier se défend : «Faire passer des épreuves coûte que coûte dans de mauvaises conditions, c'est impensable.» Même si les modalités d'examens ont été définis très en amont, «on peut jouer avec les notions de "devoirs écrits", chartés composante par composante et filière par filière. Juridiquement, ça laisse une marge de manœuvre», précise la présidente qui souhaite faire les choses au bénéfice des étudiants.

De quoi s'interroger sur la notion de cas de force majeure : à événement exceptionnel, mesure exceptionnelle ? Rien n'est dit précisément à ce sujet. Tout ce qu'on sait, c'est que «les présidents d'universités ont les moyens juridiques de débloquer leur fac lorsqu'il y a atteinte à l'ordre public. Soit par une demande auprès de la préfecture, soit au juge des référés», selon maître Piau. L'article L712-2 du code de l'éducation précise que «la liberté d'expression, le bon déroulement des cours, l'activité de recherche peuvent se voir attribuer une place prépondérante dans la matérialité de cet ordre public».