A Paris, la veille, les cinéastes réunis pour les Etats généraux du cinéma français ont exigé l'arrêt du Festival de Cannes qui a commencé le 10 mai. A Cannes, qu'ils rejoignent le soir même, Truffaut, Godard, Berri et quelques autres relaient la demande des Etats généraux. Envoyé en émissaire, Claude Lelouch essuie un refus catégorique du délégué général Robert Favre Le Bret qui le qualifie de «traître». Ce 17 mai, au cours d'une réunion consacrée à l'affaire Langlois, Truffaut explique que le Festival ne peut pas continuer alors que la France entière est entrée en révolte. Comme plusieurs réalisateurs refusent d'interrompre le Festival, Godard les interpelle : «Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers et vous me parlez travelling et gros plan. Vous êtes des cons !» Pour empêcher ensuite la diffusion de son propre film, Carlos Saura s'accroche aux rideaux du cinéma avec sa compagne, Géraldine Chaplin. Le film est projeté néanmoins, mais quand la lumière se rallume, une bagarre éclate. Milos Forman et Alain Resnais retirent leurs films de la compétition. Monica Vitti, Roman Polanski et Louis Malle démissionnent du jury. Le lendemain, Favre Le Bret annonce dans un communiqué que le Festival est arrêté. Il n'y aura pas de palmarès.
Le nombre de grévistes passe à deux millions dans la journée, puis à près de quatre millions dans la soirée ; 45 entreprises de la métallurgie lourde sont arrêtées, 19 dans l'automobile, 17 dans l'électronique… A 22 h 30, l'avion du général de Gaulle se pose à Orly en provenance de Roumanie. «Alors De Gaulle s'en va et quand il revient, tout est par terre.» Puis se tournant vers Peyrefitte : «Alors, ces étudiants, c'est toujours la chienlit ?» Sous l'algarade, les ministres rentrent la tête dans les épaules. «C'est l'anarchie, on a tout laissé aller, on a tout ridiculisé, tout bafoué, la dignité, l'autorité, l'Etat. Ce pays est foutu. En cinq jours, dix ans de lutte contre la vachardise ont été perdus.» Un peu plus tard, Peyrefitte et Pompidou présentent leurs démissions, qui sont aussitôt refusées. «Nous allons reprendre ça en main. Nous allons régler ces problèmes comme nous l'avons toujours fait dans les moments difficiles. Nous en appellerons au peuple français.»