«Je suis ici pour savoir ce que vous attendez, cerner vos impatiences.» Il est un peu plus de 19 h 30. Muriel Pénicaud vient de monter sur l'estrade de la salle municipale de la Comète, à Bayeux, une commune du Calvados de 24 000 habitants. Face à la ministre du Travail, environ 140 personnes. Et des chaises vides. Une cinquantaine de lycéens et étudiants ont fait le déplacement, invités «au tout dernier moment», précise le conseiller principal d'éducation qui les accompagne.
La ministre vient défendre le bilan du gouvernement, un an après l'élection d'Emmanuel Macron. Mais pas question de parler de mission séduction ou de reconquête de l'opinion publique. «Nous ne l'avons jamais perdue», précise tout de suite Muriel Pénicaud. «Ça fait partie d'une démocratie moderne. Le rendez-vous ne peut pas se faire que tous les cinq ans. Il faut aller à l'écoute de nos concitoyens.»
Entre la ministre et ses intervenants, l’échange est courtois, voire un peu trop policé pour certains. Suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), aides personnalisées au logement (APL) amputées de cinq euros, et de 1,5 milliard pour les seuls locataires HLM, hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les retraités, réforme de la SNCF… Les sujets qui fâchent sont tous absents des débats.
La ministre n'y est pour rien. «A Bayeux, le secteur est acquis à la République en marche. Le public n'allait pas la pousser dans ses retranchements», analyse Estelle. L'assistante parlementaire a perdu son emploi il y a presque un an, avec la défaite d'Isabelle Attard face à Bertrand Bouyx. Le député La République en marche (LREM) a remporté la circonscription avec 62 % des voix au deuxième tour des législatives en juin 2017. Presque un plébiscite.
«Précarité et mal-être»
Epargnée de toute question polémique, c'est la ministre qui, d'elle-même, aborde la refonte, pourtant très contestée, du code du travail. Muriel Pénicaud salue un texte «qui porte aujourd'hui ses fruits et contribue à la confiance des entreprises». Dans la salle, aucune voix pour l'interpeller sur les ordonnances qui ont encadré les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, mais aussi les prérogatives des instances représentatives du personnel.
Pendant quatre-vingt-dix minutes, Muriel Pénicaud parle formation, apprentissage, emploi. La ministre connaît ses dossiers. Interrogée par une lycéenne de terminale sur le chômage des jeunes, elle l'assure : «C'est ma priorité absolue!» Elle vante les mérites de l'apprentissage et cite l'exemple allemand.
De l'autre côté du Rhin, l'alternance concerne 30 % des jeunes quand il n'en séduit que 7 % en France. «Il faut arrêter de penser que le cerveau et la main, ça ne va pas ensemble. C'est un mal français.» La salle acquiesce, convaincue.
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Il faut attendre l'avant-dernière question pour qu'un Bayeusain interpelle la ministre pour lui dire qu'il est «moins enthousiaste» qu'elle. En ligne de mire : le marché du travail, «qui rime désormais avec précarité et mal-être.» Sans surprise, Muriel Penicaud défend le bilan de son gouvernement. «La croissance repart. Pour la première fois en quinze ans, le nombre d'embauche en CDI augmente. C'est encore modeste, mais nous travaillons pour le confirmer.»
A 20 h 50, la rencontre s’achève. La ministre du travail a répondu à une petite dizaine de questions, sans jamais se retrouver en difficulté. Elle a même échappé au comité d’accueil des cheminots, maintenus à bonne distance par les forces de l’ordre. Ce soir, ils n’étaient qu’une vingtaine sur place. Le gros des troupes est resté bloqué en gare de Caen… à cause d’une panne de train.