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Libération

Quel est le poids des calculs politiques en vue des municipales ?

publié le 24 mai 2018 à 20h36

Le sort des 2 500 migrants qui s'entassent dans des campements dans le nord-est de la capitale ferait-il l'objet «de calculs politiciens de la part du ministère de l'Intérieur», comme le laissent entendre des proches de la maire de Paris ? A tout le moins, alors que chacun se prépare en coulisse au scrutin municipal de 2020, Collomb tente de dévier les coups sur ce dossier sensible. «Il en a marre de passer pour le facho de service», lance un proche.

Quand, mercredi, le locataire de la place Beauvau annonce son intention de procéder à «bref délai» à l'évacuation des migrants, il prend soin (instruit par les centaines d'heures passées à amadouer l'aile gauche de sa majorité sur sa loi «asile et immigration») de justifier l'opération par la morale et son souci des riverains : il s'agit, dit-il, de pouvoir «remédier aux enjeux humanitaires qui ne sont plus supportables pour les Parisiens».

Surtout, Collomb fait ce qu'il peut pour renvoyer la patate chaude dans le camp d'Hidalgo : «Il s'agit de la 35e mise à l'abri depuis 2015 […] Cette situation se répétera indéfiniment si des mesures ne sont pas prises par les autorités locales.» C'est laisser entendre que la maire de Paris ne joue pas le jeu, quitte à passer sous silence les 2 500 places d'hébergement créées dans la capitale en trois ans, tout comme les six sites qu'elle a mis à disposition pour palier l'urgence. Cette attaque de la Place Beauvau, le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, s'est chargé, jeudi, de la préciser, reprochant à Hidalgo de ne pas avoir demandé l'évacuation des campements (lire ci-dessus), que ce soit en saisissant la justice ou par voie de presse. «Hidalgo est tenue par sa majorité plurielle, pour qui l'évacuation ne fait qu'empirer les choses si, derrière, on ne donne pas un toit aux migrants, explique un proche de l'édile. Pour celle qui veut incarner la gauche morale aux municipales, le dossier des migrants est un facteur de différenciation.»

Pour autant, la maire n'est pas restée silencieuse. Le 27 mars, elle alerte les services de l'Etat sur le danger encouru par les migrants installés à proximité du canal Saint-Denis, mais sans déposer plainte. Courant avril, sur Twitter et dans les médias traditionnels, elle appelle l'Etat à respecter son obligation de «mise à l'abri» des populations à la rue. Avant de lancer, le 17 mai, une pétition en ligne.

Devant l'absence de réaction du gouvernement, plusieurs de ses proches commencent à croire à la volonté politique de nuire : «Collomb laisse pourrir le dossier pour abîmer l'image d'Hidalgo auprès des Parisiens.» Un calcul qui, «s'il existe», va «se fracasser sur la réalité», à en croire France Terre d'asile. «L'Intérieur est persuadé depuis longtemps que plus le système est maltraitant, plus on dissuade les migrants de venir, explique son directeur général, Pierre Henry. A tort. Les flux sont là et tant qu'il n'y aura pas de dispositif d'accueil liant hébergement et accès à la procédure de régularisation dans toutes les grandes capitales régionales, Lyon compris, les campements réapparaîtront. Paris n'y est pour rien.»