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Libération

Alzheimer : les médicaments ne seront plus remboursés

publié le 25 mai 2018 à 20h36

C’est la semaine prochaine que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, devrait annoncer la fin du remboursement de tous les médicaments anti-Alzheimer, achevant une odyssée unique dans l’histoire des médicaments. Car depuis près de dix ans, la plupart des experts avaient beau pointer l’inutilité, voire la dangerosité de ces molécules, les autorités sanitaires avaient continué à les rembourser, quitte à jeter par pertes et profits plusieurs milliards d’euros. De fait, sur ce dossier, Buzyn s’est montrée prudente, mettant ses pieds dans ceux de sa prédécesseure, Marisol Touraine. Très vite, elle a annoncé qu’elle allait prendre son temps, puis qu’elle attendrait la publication par la Haute Autorité de santé (HAS) d’un guide sur la prise en charge des malades atteints de cette maladie. Or c’est chose faite depuis vendredi, la HAS présentant ledit guide avec des fiches pratiques.

Dans cette histoire, chacun a tergiversé. Les politiques renâclant à prendre une mesure de bon sens pour ne pas choquer certains lobbys. Car d'un point de vue scientifique, le dossier était réglé, et cela depuis longtemps. L'ancien président de la Commission de la transparence (CT) - qui a pour mission de trancher sur les bénéfices et les risques des médicaments -, nous avait répété encore à l'automne : «Ces médicaments sont bien sûr inefficaces.» Ajoutant même : «Ils ont sûrement plus tué de patients qu'ils n'ont jamais aidé la mémoire d'autres.»

Des propos dans la droite ligne des différents avis de la Commission de la transparence, qui n’a pas chômé depuis 2007. A trois reprises, elle a travaillé sur l’intérêt thérapeutique de ces quatre molécules, très largement prescrites. Si au départ a été évoqué un intérêt important de ces médicaments, dès 2011 la CT ne parle plus que d’intérêt thérapeutique faible. Et justifie le maintien du remboursement essentiellement par le fait que ces traitements permettent de maintenir un lien thérapeutique entre le médecin et le patient. En aparté, la plupart des experts notent, non sans justesse, que face à une maladie présentée comme terrible, il est humainement difficile de ne rien proposer aux patients ni à leur entourage.

Le changement radical est intervenu en 2016 : c'est à une très large majorité que les experts de la CT classent ces molécules comme inutiles, «sans intérêt thérapeutique», et de ce fait ouvrent la voie immédiate à un déremboursement total. Formellement, c'est le (ou la) ministre qui signe l'arrêt. Avec la publication du guide de la HAS, Agnès Buzyn s'est donc résolue au déremboursement. A l'heure où le ministère de la Santé insiste régulièrement sur la pertinence des soins, cette décision paraît pour le moins justifiée. Faut-il rappeler, en effet, quelques chiffres ? Ce sont plus de 90 millions d'euros qui ont été consacrés en 2015 au remboursement des médicaments anti-Alzheimer. En 2012, c'était 205,7 millions. Depuis la fin des années 90, ce sont ainsi plusieurs milliards d'euros qui ont été dépensés en pure perte.