Mélenchon parle à Libé, pour la première fois depuis de longues années. C'est un progrès. Jusqu'ici, il se contentait de mots d'oiseau expédiés avec une régularité d'artilleur contre notre journal. Attitude un peu mystérieuse : les désaccords sur tel ou tel point - le Venezuela, la Russie, l'Europe, certains points importants du programme de LFI - ne sauraient légitimer une violence verbale hors de propos, qui n'est pas seulement de la susceptibilité mais l'effet d'un raisonnement qu'il est difficile de qualifier autrement que «populiste», même si le mot n'est guère satisfaisant. Mélenchon réclame «un peu de bienveillance». Elle n'a de valeur qu'à double sens. Revenons aux faits : qui, à gauche, peut aujourd'hui rassembler dans la rue ou sur les places des dizaines de milliers de personnes ? Mélenchon. Orateur puissant, stratège électoral avisé, il domine de la tête et des épaules le paysage de l'opposition de gauche. Certes, il exagère le résultat de ses appels à la lutte ou à leur convergence, laquelle peine à se manifester. Mais qui d'autre réussit à mobiliser ? Et qui d'autre réussit à faire entendre aussi fort les anciennes valeurs de la gauche, quoi qu'on pense de leur traduction dans la rhétorique souvent sommaire de La France insoumise ? Il y a là un succès militant indéniable. Un succès à double tranchant, aussi bien. La France insoumise domine mais - c'est une réalité objective - La France insoumise inquiète, y compris au sein de la gauche. Elle ne saurait à elle seule représenter les divers courants qui survivent - difficilement - au sein de l'arc progressiste. Le macronisme s'en félicite tout bas. Comme jadis André Malraux parlant du PCF, il se dit qu'entre Mélenchon et Macron, il n'y a rien. Mais s'il n'y a rien, comment rassembler ceux qui, à gauche, croient à la stratégie insoumise et ceux qui n'y croient pas ?
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