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Manifestation

«Marée populaire» : quels syndicats seront dans la rue ?

Samedi, seules trois centrales syndicales, dont la CGT, participeront à la mobilisation organisée par Attac et la Fondation Copernic, mais aussi la France Insoumise. Pour la CFDT, il s'agit d'une «faute» contraire au principe de l'indépendance des syndicats.
Pascal Pavageau, de FO, Philippe Martinez, de la CGT et Laurent Berger, de la CFDT, lors de la manifestation du 22 mai à Paris. (Photo Bertrand Guay. AFP)
publié le 26 mai 2018 à 12h04

Ils seront trois syndicats de salariés à participer à la «marée populaire», le 26 mai, «pour mettre en échec le projet du gouvernement qui vise à remodeler en profondeur la société française pour y imposer les canons d'un néolibéralisme autoritaire» : L'Union syndicale Solidaires, qui était déjà dans la rue le 5 mai, la FSU (Fonction publique), soucieuse de «rassembler les colères […] face à la dégradation de la situation économique et sociale», et la CGT.

Sans surprise, l'Unsa, la CFTC et la CFDT ne seront pas de la partie. Le 14 mai, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, expliquait qu'y participer serait «une faute […] mortifère pour le syndicalisme». FO, fidèle à sa ligne, n'a pas non plus souhaité s'associer à une mobilisation portée en partie par des partis politiques. «Nous ne faisons jamais de politique», a rappelé le 20 mai, Pascal Pavageau, le secrétaire général de FO, sur RTL. Ce qui n'empêchera pas certains militants de la centrale de venir battre le pavé le 26, puisque, souligne Pavageau, «les femmes et les hommes qui sont à Force ouvrière sont libres».

Changement de stratégie

Côté CGT, la participation à la mobilisation du 26 mai n'était pas gagnée d'avance. Lors de la première «fête à Macron», le 5 mai, Martinez avait clairement fermé la porte, jugeant le mot d'ordre trop flou. Tout en craignant qu'un «leadership autoproclamé» – celui de Jean-Luc Mélenchon, de la France insoumise – ne vienne gâcher la fête. «Le message de la mobilisation, c'est "faire la fête à Macron". Ça veut dire quoi ? Pour nous, syndicalement, ce n'est pas assez concret», expliquait-il alors à Libération. Fallait-il opérer un changement de stratégie trois semaines plus tard et participer à cette deuxième édition ? Pour trancher la question, la CGT a réuni son «parlement» qui, dans une large majorité, a choisi de rejoindre la mobilisation (78 organisations ont voté pour, six contre et six se sont abstenues).

«Cette fois, nous sommes bien dans une coconstruction et on a été d'emblée associés avec un périmètre clair sur une base syndicale», explique Catherine Perret, responsable confédérale du syndicat qui met en avant la pluralité de participants. Organisée notamment par la Fondation Copernic et Attac, la mobilisation est portée au total par soixante organisations. «Il n'était pas question que la CGT se mette dans les roues de la France insoumise. Avec les autres partis politiques, nous avons dû batailler un peu pour que toutes les organisations aient leurs places et soient respectées, raconte-t-elle. Opposée à un cortège unique parisien, la CGT a notamment plaidé pour que la mobilisation soit déclinée dans plusieurs villes, «car les syndicats doivent être aux côtés des salariés partout sur le territoire».

«On ne veut pas de lider maximo en haut d’un bus»

Pour faire entrer la CGT dans le bal, il a donc fallu faire quelques aménagements. Exit les slogans «Fête à Macron» de la précédente mobilisation. Exit aussi les bus à impériale en haut desquels les élus de la France insoumise avaient pris la lumière le 5 mai. «Un chef qui harangue les foules, ce n'est pas notre truc, tacle Catherine Perret, de la CGT. On ne veut pas de lider maximo en haut d'un bus. Les responsables doivent rester à la même hauteur que les autres manifestants.» Signe, pour certains, de ces petites tensions : le 16 mai, tous les organisateurs étaient réunis à la CGT pour préparer la journée du 26. Tous sauf Martinez, dont l'absence, pour cause de déplacement dans les Landes, a été remarquée. Un pur hasard de calendrier, selon la CGT.

Malgré les garde-fous, à la centrale de Montreuil, cette marche collé-serré avec les insoumis ne passe toujours pas chez certains militants. «On n'a pas à mettre l'organisation au service d'un mouvement bancal. "Marée populaire", ce n'est pas vraiment très clair, non ?», s'offusque un responsable cégétiste qui a voté contre la participation du syndicat à la journée du 26. Et d'ajouter : «Ce changement d'orientation de la CGT est inquiétant». D'autres trouvent la démarche peu compatible avec la charte d'Amiens, adoptée en 1906 par le syndicat et qui a fait de la CGT, «un groupe, en dehors de toute école politique», notamment du parti communiste. «Indépendance ne veut pas dire neutralité», rétorque Catherine Perret, du bureau confédéral.

Autre question : en participant à la journée du 26 mai, la CGT ne risque-t-elle pas d'amoindrir les chances des centrales syndicales de se retrouver ? Non, répond Catherine Perret, «il y a une entente assez forte, en parallèle, entre syndicats, avec la FSU, FO et Solidaires, pour faire d'autres choses ensemble». Et notamment de tenter de construire une nouvelle journée interprofessionnelle, «en essayant de l'élargir le plus possible et d'inviter la CFDT». Le tout avant l'été. Une équation bien complexe.