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Patron des patrons

Au Medef, un fauteuil pour six candidats

Sur fond de transformation numérique et d'adaptation du paritarisme à la française, les six prétendants à la succession de Pierre Gattaz à la tête de l'organisation patronale sont entendus, ce lundi, par le conseil d'exécutif, qui fera connaître son choix le 11 juin.
Le vice-président du Medef, Alexandre Saubot (à gauche), et le vice-président chargé des affaires sociales de la Confédérations des PME, Jean-Michel Pottier, lors du premier round des négociations le 10 janvier. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 28 mai 2018 à 17h19

Le processus de désignation du successeur de Pierre Gattaz à la tête du Medef entre dans sa dernière ligne droite cette semaine. Les six candidats à la présidence de la principale fédération patronale française passent depuis ce matin un grand oral à huis clos devant les 45 membres du conseil exécutif du Medef, avec un duel qui se dessine entre deux favoris aux styles diamétralement opposés. D’un côté Geoffroy Roux de Bézieux, 55 ans, vice-président du Medef en charge de la fiscalité et du numérique et déjà candidat en 2012. De l’autre Alexandre Saubot, jusqu’il y a peu négociateur social de l’organisation et président de la puissante Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), qui comprend notamment le secteur automobile.

Le 11 juin, le conseil exécutif votera ensuite pour choisir son candidat préféré. Un avis purement consultatif, mais qui aura néanmoins son importance pour orienter le choix de l’Assemblée générale de l’organisation dont les 560 membres se prononceront le 3 juillet lors d’un vote à bulletins secrets. D’ici là, les candidats vont multiplier les interventions et prises de parole, comme ils ont déjà commencé à le faire, devant les fédérations professionnelles et territoriales afin de faire connaître leurs projets et rallier le maximum de soutiens. Ils ont déjà été reçus par l’UIMM, la Fédération du bâtiment, ou encore celle des assurances et de la banque qui disposent d’un réservoir important de voix au sein de l’assemblée générale.

Ralliements

Sans relief particulier jusqu’ici, la campagne a commencé à s’animer ces jours derniers avec les premiers soutiens rendus publics. Ex-patron de l’opérateur virtuel Virgin Mobile dans la téléphonie et cofondateur du fonds d’investissement Isai spécialisé dans les nouvelles technologies, Geoffroy Roux de Bézieux a obtenu celui d’un autre ex-candidat, le très libéral Jean-Charles Simon qui, au départ, avait juré de ne rouler pour personne d’autre que sa pomme. Une liste de 100 patrons de la French Tech, sur laquelle figurent notamment Frédéric Mazzella (BlaBlaCar), Marc Simoncini (Meetic), Henri Seydoux (Parrot) ou encore Pierre Kosciusko-Morizet (Ex-Rakuten France) a également apporté son soutien à sa candidature largement axée sur la transformation numérique des entreprises et la nouvelle donne technologique à laquelle elles sont confrontées. La Fédération des services aux particuliers (FESP), qui compte également nombre d’entreprises du numérique, a pris également cause pour lui.

Autant de succès d'image, mais glanés auprès d'un secteur qui ne pèsera pas lourd dans l'élection. Ce qui n'est pas le cas de la fédération UIMM, dont le nouveau président, Philippe Darmayan, a apporté sans surprise son soutien à son prédécesseur, qualifiant dans le JDD Alexandre Saubot de «vrai entrepreneur au cuir tanné, qui a su prendre les bonnes décisions dans les périodes les plus difficiles». «Il maîtrise ses dossiers sur le bout des doigts, tant sur l'économie que sur le social», a-t-il expliqué dans l'hebdomadaire dominical. Vendredi, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) lui avait aussi apporté son appui.

Parmi les autres candidats, trois sont issus des territoires : Frédéric Motte, président du Medef Hauts-de-France, Olivier Klotz du Medef Alsace et enfin Patrick Martin, à la tête du Medef Auvergne-Rhône-Alpes. Patron de Martin-Belaysoud Expansion, un groupe familial spécialisé dans la distribution de fournitures industrielles, ce dernier a récemment créé la surprise en décrochant le ralliement de deux autres ex-candidats, Fabrice Le Saché, fondateur d'Aera Group, une société de conseil et de négoce spécialisée sur les financements verts très active en Afrique, et de Pierre Brajeux, patron du Medef Hauts-de-Seine. De quoi enclencher une «dynamique», espèrent ses soutiens, qui misent sur sa popularité croissante dans les milieux patronaux pour bousculer le match Roux de Bézieux-Saubot.

Une seule femme

La seule femme dans la course, Dominique Carlac'h, ex-championne de France junior du 400 mètres et à la tête d'une société de conseil en financement et innovation industrielle a fait, elle, «une bonne impression» lors de plusieurs auditions, selon différentes sources. Très attachée à la responsabilité sociale des entreprises (RSE), elle explique dans le portrait que lui consacre Libération ce lundi qu'il est temps d'adapter le syndicalisme patronal au style de «management» incarné par Emmanuel Macron à la tête du pays. Un exécutif «hyperagile, hyperrapide, dit-elle. Pour une fois, ce n'est pas la IIIe République, poursuit-elle. Je leur dis au Medef : "Les maîtres de forges, c'est fini"» : allusion à l'ex-patron des patrons Ernest-Antoine Sellière (1998-2005), dont le style quelque peu hautain n'avait en son temps pas franchement contribué à donner une image moderne du patronat.

Jeudi matin, les six candidats à la tête du Medef se retrouveront à nouveau tous ensemble au Conseil économique et social, pour une partie de campagne organisée par l'Institut de l'entreprise présidé par Antoine Frérot, le PDG de Veolia Environnement. Un «benchmark» public cette fois, qui permettra de se faire une petite idée sur ce qui réunit et divise ces candidats dont un des défis et non le moindre sera de trouver la juste distance avec un gouvernement qui entend faire le ménage dans le paritarisme à la française. La ministre du travail, Muriel Penicaud, expliquait récemment au Point qu'il faut «parfois bousculer les corps intermédiaires » au nom de «l'intérêt général». Une sortie qui visait les syndicats de salariés, mais aussi les organisations patronales, au premier rang desquelles figure le Medef.