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Libération
Merci de l'avoir posée

Procès de Stephan Turk: qu'est ce que la légitime défense?

Stéphane Turk à son procès au tribunal de Nice, le 25 avril 2018 (Photo VALERY HACHE. AFP)
publié le 28 mai 2018 à 13h57

Ce lundi s'ouvre le procès pour «homicide volontaire» de Stephan Turk, surnommé «le bijoutier de Nice». Jugé pour avoir abattu en 2013 un homme qui venait de braquer sa boutique, il plaide la légitime défense.

Qu’est ce qui va être jugé ?

Le 11 septembre 2013, à 8h45, Stephan Turk entre dans sa bijouterie, La Turquoise, dans le quartier Notre-Dame, à Nice. Une fois l'alarme désactivée, deux braqueurs casqués et armés d'un pistolet et d'un fusil à pompe pénètrent dans la boutique et l'obligent «par la violence», à leur remettre le contenu de son coffre-fort, soit la somme de 127 000 euros, avant de prendre la fuite en scooter. Stephan Turk tire alors à trois reprises sur ses agresseurs, touchant mortellement Antony Asli, 19 ans.

Il comparaît aujourd'hui pour homicide volontaire devant les assises des Alpes-Maritimes mais plaide la légitime défense.

Qu’est-ce que la légitime défense ?

«La légitime défense s'applique lorsqu'une personne commet un acte de défense justifié en cas d'agression. Elle permet que la personne ne soit pas condamnée en justice pour cet acte qui est normalement puni par la loi», explique le site Service public.

Elle requiert cependant des conditions précises: l'attaque doit entraîner une menace «réelle immédiate», et être injustifiée, tandis que la défense doit être nécessaire, seul moyen de se protéger, mais aussi proportionnée et intervenir au moment de l'agression, excluant ainsi la vengeance.

«La légitime défense n'est pas une notion floue laissée à l'appréciation des juges. Si tel était le cas, ce serait le domaine de l'arbitraire, chacun utilisant la notion comme cela lui convient expliquait ainsi le magistrat Michel Huyette. Se défendre c'est, par définition, se protéger contre une attaque en cours pour la limiter, la contenir, et y mettre fin. Par exemple, il n'est pas nécessaire, pour l'individu qui est frappé par une personne qui est aussitôt attrapée et bloquée par ses amis, et qui sait alors qu'il ne risque plus rien, d'aller vers son agresseur maintenu et devenu inoffensif et de le frapper à son tour.»

Qu’est ce qui fait débat dans ce cas ?

Depuis les faits, Stephan Turk et sa défense affirment que le bijoutier «n'avait pas d'autre solution que de se défendre». Selon leur version, un des deux braqueurs en fuite s'était retourné dans sa direction et avait pointé son arme vers lui au moment des tirs. «Quand j'ai vu le fusil pointé sur moi, je tire instinctivement, je tire trois fois. Deux fois sur le scooter, la troisième fois sur lui parce qu'il allait descendre», expliquait ainsi Stephan Turk lors d'une interview accordée à France 3. Une thèse contraire aux rapports d'expertise balistique et technique, Anthony Asli ayant été touché au dos. «En l'état des investigations, des constatations, des déclarations, j'ai la conviction que nous sommes en présence d'indices qui montrent que ce monsieur a agi volontairement pour donner la mort à ce malfaiteur. Quand il tire, sa vie n'était plus menacée», déclarait à l'époque des faits Eric Bedos, le procureur de la République de Nice. En 2016, le juge d'instruction s'était rangé à cet avis en décidant de poursuivre Stephan Turk pour «homicide volontaire».

L'affaire, pourtant, avait été érigée comme le symbole de la légitime défense par une partie de la droite, notamment locale, mais aussi par ce qu'on appelle «l'opinion». 1,3 million de personnes avaient ainsi plébiscité la page Facebook «Soutien au bijoutier de Nice». Un millier de personnes avaient également manifesté à Nice, en présence du député Eric Ciotti, à l'époque président du conseil général, et du maire, Christian Estrosi. «La peur doit maintenant changer de camp», croyait-il alors bon d'affirmer, se plaçant non pas sur le terrain du débat juridique et des faits mais surfant sur un sentiment d'insécurité, au risque de faire la promotion de l'autodéfense.