Il y a longtemps que le groupe Mediapro, qui a arraché mardi les droits télés de la Ligue 1, domine la scène espagnole. Même si le groupe dont le siège se situe avenue Diagonale de Barcelone a dû laisser filer les droits de la Ligue italienne «pour manque de garanties», Mediapro est un prédateur aux dents longues, dans l'univers de la télévision, aussi bien dans la production que dans l'exploitation des droits audiovisuels. Pour preuve, ses performances financières de l'année passée : 1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Ces dernières années, Mediapro a assis son leadership dans le domaine de la télévision payante grâce au football. L'audience de sa chaîne, Gol, a doublé, avec désormais 1 % de parts sur le marché global, alors que BeIn Sports Espagne, de loin la plus en vue des chaînes payantes, réunit 2,7 % de l'audience.
Padel. A l'origine modeste groupe audiovisuel, Mediapro a gagné du muscle avec les années. Fondé en 1994 par deux journalistes catalans, Jaume Roures et Josep Maria Benet Ferran, il est longtemps demeuré plutôt discret. Premier virage en 2006, lorsque la société fusionne avec GloboMedia, producteur de films de télévision et de cinéma. La véritable épreuve du feu intervient quatre ans plus tard, en 2010, lors de «la guerre du foot» contre Sogecable. Une bataille à mort emportée par les Catalans après de fracassants passages devant les tribunaux et une amende record de 105 millions d'euros. Peu importe, Mediapro devient le principal propriétaire des droits du football espagnol.
Depuis, le groupe catalan n’a cessé de se renforcer, investissant tous azimuts dans les droits télés, du foot féminin à la moto en passant par le padel. Mais sa vache à lait reste la Liga, la première division espagnole, dont il diffuse à chaque journée huit matchs sur dix en exclusivité. Ce qui lui permet d’étaler les rencontres presque tout au long de la semaine, et à des heures parfois inédites, à midi ou tout au long de l’après-midi. Cette hégémonie dure depuis juillet 2015 lorsque Mediapro a lancé avec BeIn Media Group la chaîne BeIn Sports Espagne, qui diffuse également l’essentiel des matchs de la Ligue des champions et de l’Europa League.
Trotskiste. Mediapro appartient depuis février 2018 à un holding, Imagina Media Audiovisual, dont la multinationale chinoise Orient Hontai Capital est le principal actionnaire avec 53,5 % du capital. Les deux patrons de Mediapro, Roures et Benet Ferran, possèdent tous les deux 12 % des parts. Sur le plan logistique, l'entreprise catalane n'a pas de concurrent national et rivalise avec les plus grands arsenaux télévisuels d'Europe, avec 53 unités mobiles, 150 reporters couvrant l'Espagne et le Portugal, et des sièges dans des dizaines de pays. Sur fond de success-story et avec sa réputation de génie des affaires, Jaume Roures affiche une personnalité singulière. Cet ancien trotskiste ne cache pas ses préférences pour la gauche. Il est sympathisant de Podemos et surtout de la CUP, mouvement anticapitaliste qui réclame l'indépendance unilatérale de la Catalogne. Celui dont les productions (émissions, séries) sont omniprésentes dans le paysage audiovisuel espagnol - sur Antena 3, la Sexta ou la Cuatro - affirme sa parfaite cohérence. Outre le fait d'avoir financé plusieurs films récents de Woody Allen (dont Minuit à Paris), il a produit des documentaires militants (comme celui d'Oliver Stone sur Fidel Castro) et produit plusieurs programmes phares de la chaîne Sexta, comme El Intermedio, une émission de satire politique qui bat chaque soir des records d'audience en défendant des positions de gauche.