L'annonce par l'Express, mardi, de l'ouverture par le parquet de Paris d'une enquête préliminaire sur les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, et plusieurs questions sur CheckNews. Comment un compte de campagne peut-il être validé tout en donnant lieu à un signalement à la justice ? Est-ce une première ?
Que s'est-il passé ? La Commission nationale des comptes de campagne (CNCCFP) a validé les comptes de Jean-Luc Mélenchon le 13 février. Après des remous. Le Parisien avait effectivement révélé quelques semaines plus tôt que l'un des membres de la commission, Jean-Guy de Chalvron, avait démissionné en novembre 2017 après avoir constaté, selon lui, de nombreuses irrégularités dans les comptes de campagne du leader de La France insoumise. D'après ses calculs, 1,45 million d'euros sur les plus de 10 millions de la campagne n'aurait pas dû être validés. Mais au final, la CNCCFP n'a retoqué, dans sa décision du 13 février, «que» 434 939 euros de surfacturations et «majorations» non justifiées.
Si la commission a validé les comptes, elle a toutefois adressé, selon le Parisien, un signalement au parquet de Paris, lequel a saisi la police judiciaire en avril.
Interrogée sur le paradoxe apparent qui permet de valider des comptes tout en effectuant un signalement à la justice, la CNCCFP explique que «même s'il s'agit du même compte, ce n'est pas le même domaine de compétences. La commission ne peut aller plus loin et creuser. Elle est compétente sur les domaines de dépenses et de recettes des comptes de campagne, mais n'a pas de pouvoir de police ou de justice». Et de poursuivre : «Quand on trouve des éléments qui pourraient relever du pénal, on doit les déclarer au procureur. On a un délai de six mois pour examiner les comptes de campagne au regard du droit électoral ; pour toutes les matières qui ne relèvent pas de notre compétence, on transmet l'information aux juges. Ce signalement se fait soit en parallèle de l'annonce de la décision sur les comptes, soit tout de suite après.»
Les motifs justifiant un signalement ne se confondent donc pas avec ceux menant à l'invalidation d'un compte. Pour invalider, il faut constater une ou des «causes substantielles de rejet». «C'est une sanction très lourde», explique la commission, qui est survenue pour les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Mais le plus souvent, les comptes sont surtout réformés, puis validés malgré les dépenses ainsi rajoutées ou retoquées par la commission.
Le signalement aux autorités judiciaires après validation des comptes n’est pas une première. Contactée par CheckNews, la CNCCFP refuse néanmoins de dresser un bilan exhaustif des signalements au parquet effectués après validation des comptes. Elle donne cependant deux exemples, déjà sortis dans la presse.
Le premier remonte à la dernière présidentielle et concerne un autre candidat : Emmanuel Macron. Après examen des comptes de campagne, la CNCCFP avait signalé à la justice le cas de quatre donateurs de Macron dont les versements avaient dépassé les plafonds autorisés (lire ci-dessous). La commission refuse de donner la date du signalement, mais nous assure que ces irrégularités avaient été signalées au parquet «après la prise de décision» sur la validation de ses comptes. A la différence de Mélenchon, le parquet n'avait pas donné suite.
Second exemple : en 2013, une information judiciaire visant le FN avait été ouverte suite à un signalement de la CNCCFP. Selon cette dernière, le signalement avait été effectué après l’instruction du compte. Dans cette affaire, le FN a notamment été mis en examen pour escroquerie. Les comptes du FN avaient été validés, après réformation.