Mélina Boughedir «est une terroriste de Daech qui a combattu contre l'Irak» et doit donc, à ce titre, être jugée dans ce pays. Vendredi matin, sur LCI, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a été extrêmement ferme sur le sort de la soixantaine de ressortissants français détenus au Kurdistan syrien (55) et en Irak (4). «Quand on va à Mossoul en 2016, c'est pour combattre. Madame Boughedir est donc jugée sur les lieux de ses exactions. C'est la logique normale. Elle a combattu contre les unités irakiennes, elle est jugée en Irak», a-t-il poursuivi, réaffirmant ainsi la position intangible de l'Etat français. Ces propos ont fait vivement réagir William Bourdon, l'un des avocats français de Mélina Boughedir. Il les a d'abord qualifiés de «lamentables», puis a parlé de dégoût : «Il y a une tendance mondiale face à la menace terroriste : c'est la fin qui justifie les moyens, c'est le cynisme, c'est la déshumanisation et c'est plus efficace de brocarder les grands principes que de les respecter.»
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Arrêtée durant l’été 2017, Mélina Boughedir a d’abord été condamnée en février à sept mois de prison pour une simple entrée illégale en Irak. Sa famille s’attendait alors à la voir revenir en France dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Mais la Cour de cassation irakienne a réexaminé le dossier et la jeune femme de 27 ans, mère de quatre enfants (trois ont été rapatriés en France) est rejugée ce dimanche pour «terrorisme». Or l’Irak prononce quasi systématiquement la peine capitale pour cette infraction.
D'ordinaire, la France s'agite pour éviter la mort à ses ressortissants. Puisque les juridictions françaises sont compétentes pour juger ses citoyens, quand bien même les crimes et délits auraient été commis à l'étranger, la diplomatie œuvre au rapatriement sur le sol hexagonal. Ainsi, le Quai d'Orsay tente depuis plusieurs années d'empêcher l'exécution de Serge Atlaoui, poursuivi pour trafic de stupéfiants en Indonésie. Pour ce qui est des jihadistes, la donne est différente. Il y a quelques semaines, la ministre des Armées, Florence Parly, a quasiment recouru à la loi du talion à l'égard des recrues de l'Etat islamique : «Les jihadistes n'ont jamais eu d'états d'âme, je ne vois pas pourquoi nous en aurions pour eux.»
Une sévérité qui sied à une opinion publique harassée par le cycle d'attentats islamistes en Europe, mais qui s'avère très contestable au plan de la sécurité nationale. «Nous ferions mieux de rapatrier nos ressortissants pour recueillir du renseignement, pour ne pas être la cible d'un chantage diplomatique de la part d'une entité tierce [les Kurdes, ndlr], et pour que nos juges puissent boucler leurs instructions», s'essouffle une source ministérielle.