«J'ai envie que les rapports hommes-femmes changent et pour cela il faut s'intéresser aux hommes et femmes de demain. Nous, on est déjà cuits. Je me suis donc tournée vers l'école où tout reste à faire», explique Lisa Azuelos, réalisatrice et présidente de l'association Ensemble contre la gynophobie. En parallèle de la préparation d'un film, elle a commandé un rapport sur les violences sexistes à l'école au sociologue Eric Debarbieux, présenté jeudi. Avec les chercheurs Johanna Dagorn, Arnaud Alessandrin et Olivia Gaillard, il a recueilli plus de 47 000 témoignages d'élèves de 8 à 19 ans.
«Toute violence peut avoir une connotation sexiste. Mais les violences sexistes ne signifient pas qu'elles sont sexuelles [viols, agressions, ndlr]. Il s'agit ici de la construction qui va amener ensuite, éventuellement, à la violence sexuelle. Ça commence par des insultes, des baisers forcés, du voyeurisme dans les toilettes», souligne Eric Debarbieux, qui fut délégué ministériel à la prévention du harcèlement scolaire de 2012 à 2015. Les chercheurs ont essayé de résoudre «l'énigme» de «l'oppression viriliste».
Les données recueillies vont à contre-courant de certaines idées préconçues. Les garçons, bien que majoritairement auteurs d’agressions, sont au moins tout autant victimes de violences sexistes en milieu scolaire. En primaire, ils sont nettement plus victimes d’insultes et de menaces (65 % contre 55 %), mais aussi de déshabillage forcé (14,2 % contre 10,3 %). Un peu plus de filles (20 %) que de garçons (18,4 %) rapportent avoir été regardées aux toilettes. Au collège, les adolescents sont toujours plus victimes d’insultes (56 % contre 47 %), tandis que les filles se plaignent davantage d’être mises à l’écart (32 % contre 26 %) et de subir des moqueries sur la sexualité (8,6 % contre 8,1 %). Pour les lycéens, il ressort notamment que les garçons sont plus exposés aux insultes homophobes (21,1 % contre 13,8 %) ; 6,6 % de jeunes, sans distinction de sexe, rapportent des situations de voyeurisme ; 5 % de garçons et 2,2 % de filles ont souffert de la diffusion d’images intimes.
Quant aux violences entre garçons, Eric Debarbieux estime qu'elles «s'inscrivent dans un refus du féminin. Elles vont souvent se porter contre les garçons considérés comme plus faibles, doux, qui sont quelque part accusés d'être des femmes. Le viriliste a besoin de dominer et va d'abord le faire avec le garçon. Lorsqu'il va grandir, il aura l'habitude d'être le dominant et ça se transférera, par exemple, avec sa compagne». Le rapport souligne toutefois que «si l'école participe parfois à la construction des violences subies par les femmes […], elle est aussi un lieu de leur prévention».