Après la grave blessure infligée à un lycéen par un tir de «super flash-ball» lors d'une manifestation à Nantes en 2007, la condamnation de l'Etat pourrait bien être alourdie. Le rapporteur public a en effet suggéré mardi matin à la cour administrative d'appel de Nantes de porter à 72 000 euros les sommes dues par le ministère de l'Intérieur à Pierre Douillard, soit 75% de ses préjudices. En première instance, le tribunal administratif avait partagé les torts à moitié entre les deux parties. Les juges d'appel, qui ont mis leur décision en délibéré, rendront leur arrêt le 25 juin.
En attendant, le rapporteur public – dont les avis sont souvent suivis – a estimé que la «faute» de l'Etat «ne fait aucun doute» dans cette affaire : le lanceur de balles de défense (LBD) 40x46 mm était à l'époque une arme «expérimentale», et la formation de l'auteur du tir était «insuffisante». «Il ne s'est entraîné que sur des cibles statiques, alors qu'en manifestation les cibles mouvantes sont fréquentes», a déclaré le magistrat. «M. Douillard n'était d'ailleurs pas la personne initialement visée par le tir.» L'usage d'une telle arme était par ailleurs «disproportionné» dans la mesure où les manifestants étaient «des lycéens très jeunes», et que la sécurité des policiers n'était «pas gravement menacée» par les jets de projectiles qu'ils recevaient. Il n'est au passage «pas établi» que Pierre Douillard ait lui-même jeté l'un de ces projectiles sur les forces de l'ordre.
Une partie des dommages doit toutefois rester à sa charge dans la mesure où il est «resté en première ligne» de la manifestation et qu'il «ne s'est pas désolidarisé» des fauteurs de troubles, considère le rapporteur public. Pierre Douillard réclamait en première instance un peu plus de 170 000 euros : décrit comme «brillant» à l'audience, cet élève n'avait pas pu faire la classe préparatoire littéraire qu'il envisageait. Il ne peut en outre «plus suivre ses cours de dessin aux Beaux-Arts», ni s'adonner au cyclisme. Agé aujourd'hui de 27 ans, le jeune homme a cofondé depuis à Nantes l'Assemblée des blessé-es par la police, qui regroupe les différents manifestants blessés par les forces de l'ordre lors des mouvements sociaux. Cette «Assemblée» s'est ainsi emparée, récemment, du cas de l'étudiant lillois qui a eu la main arrachée par une grenade des gendarmes sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique).