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Libération

Promesse

publié le 5 juin 2018 à 20h56

D'abord les tripes. Ensuite la politique. Les tripes qui remuent, pas parce qu'on s'apitoie, juste parce qu'on regarde un instant la réalité du handicap en face et qu'elle n'est pas toujours belle à voir. En tout cas, pas digne d'un pays aussi développé que le nôtre. La réalité, c'est ce couple qui ne dort plus à force de se demander ce qui va arriver à ce fils de 42 ans, victime dans sa jeunesse d'un accident de moto, le jour où ils ne seront plus là. C'est cette mère ballottée entre la conviction que son fils autiste a un potentiel énorme et la douleur de le voir régulièrement mis à l'isolement dans un hôpital psychiatrique où il n'a d'ailleurs rien à faire. C'est enfin cette femme à qui l'école renvoie une image de «mauvaise mère» râleuse jamais contente, alors qu'elle-même a le sentiment d'être «abandonnée par l'Etat». C'est là que la politique pointe son nez. Il serait ridicule d'accuser le gouvernement actuel de tous les maux, et de lui mettre sur le dos ce «retard français» en matière de lutte contre le handicap. Il l'est moins, ridicule, de s'inquiéter du signe donné lors de la discussion de la loi Elan sur le logement. L'Assemblée vient de donner satisfaction au lobby de l'immobilier, en ramenant à 10 % la proportion de logements devant répondre aux normes sur le handicap dans les constructions d'immeubles collectifs neufs, contre 100 % actuellement, comme le veut la loi de 2005. Cette victoire du marché sur la solidarité déçoit d'autant plus que l'actuel locataire de l'Elysée avait promis de faire de la lutte en faveur des handicapés une priorité de son quinquennat. Il ne sera, c'est vrai, pas le premier à oublier ce type d'engagement. Mais comme le candidat avait profité de sa «carte blanche» lors de son débat de l'entre-deux-tours face à Marine Le Pen pour clamer haut et fort cette promesse, il est de bonne guerre de délivrer aujourd'hui au Président un carton jaune.