Le duel entre Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez est attendu, jugé inéluctable. Mais personne n’a vu venir celui qui se profilait entre le président de Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, et sa vice-présidente, Virginie Calmels, la première adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux et un de ses soutiens pendant la primaire de la droite.
A trois semaines de la réunion du conseil national de LR consacré à l'Europe, à Menton le 30 juin prochain, la vice-présidente de la grande métropole girondine ne dissimule même plus aujourd'hui son désarroi face à la ligne Wauquiez. Motif de cette prise de distance, le tract du «printemps des Républicains» et diffusé à plus de 1,5 million d'exemplaires, titré pour «Pour que La France reste la France». Un slogan jugé «anxiogène et peut-être un peu trop déséquilibré», pour ne pas dire trop populiste et à lisière des plates-bandes du FN, par celle qui a été nommée numéro 2 du parti dans un souci de rassemblement par le patron du parti d'opposition.
«Tandem»
Aujourd'hui, la vice-présidente de Bordeaux métropole, libérale pro-européenne, grince des dents. Pour elle, ce tract n'a pas fait l'objet d'une validation des instances du parti. Du coup, elle met en cause le mode solitaire d'exercice du pouvoir de Laurent Wauquiez. Celui-ci n'a pas manqué de lui rappeler que,«quand on appartient à l'équipe dirigeante, on a des responsabilités particulières. J'attends de Virginie qu'elle le comprenne», a-t-il prévenu. Pour couper court à tout procès en déloyauté, Calmels a réaffirmé qu'elle ne souhaitait pas l'explosion de la droite et encore moins la montée des extrêmes, du populisme et du Front national. Et d'évoquer le «tandem» que Wauquiez a souhaité former avec elle «au nom du rassemblement de la famille».
Sarkozyste de la première heure et aujourd'hui conseiller politique de Wauquiez, Brice Hortefeux a été le premier à se payer Calmels publiquement. Porte-flingue un jour… «Elle sait très bien que lorsqu'on intègre une équipe, il y a bien sûr, en tout cas à mes yeux, un impératif de solidarité, pas la solidarité quand tout va bien, la solidarité quand ça remue, et je suis convaincu que Virginie Calmels a toutes les compétences pour le comprendre», a-t-il lancé dimanche sur BFMTV.
Eurosceptiques et pro-européens
Mais ce n’est pas le seul point de divergence entre Calmels et le patron du parti. Candidate idéale pour conduire la liste LR aux élections européennes de 2019, la manière dont le président du parti entend mener cette campagne ne lui convient pas du tout. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à le faire savoir lors d’un dîner organisé le 29 mai par Gil Avérous, le maire de Châteauroux (Indre), devant un ensemble de jeunes élus LR. Avant de poser ses conditions pour occuper cette position.
Théoriquement, la ligne du parti, divisé entre eurosceptiques et pro-européens, devait être définie lors du conseil national, le 30 juin à Menton (Alpes-Maritimes). Mais Laurent Wauquiez voit les choses autrement : pour lui, la réunion ne servira qu'à jeter les bases du débat. Les différentes sensibilités auront alors jusqu'à la fin de l'année pour apporter leurs contributions. La tête de liste ne serait alors investie qu'au tout début de 2019, à peine six mois avant le scrutin. «Laurent Wauquiez ne veut pas partir en campagne trop tôt de crainte d'aviver les tensions au sein du parti. Quelle que soit la ligne suivie, de toute façon, elle fera des mécontents. Et puis le président de LR n'a sans doute pas très envie de voir une tête de liste occuper les plateaux télés le temps de la campagne et lui ravir la vedette», explique un proche de Calmels. L'élue girondine plaidait, elle, au contraire, pour que la ligne politique de LR soit clarifiée et la tête de liste désignée le plus tôt possible pour qu'elle puisse mener une campagne longue, «de convictions», alors que l'époque est à l'euroscepticisme, voire au rejet pur et simple de l'UE, non seulement en France mais un peu partout en Europe. «Elle nous a clairement dit que pour elle, les conditions n'étaient pas réunies pour qu'elle accepte de prendre la tête de liste», assure un des convives du dîner.
Eviter le match intergénérationnel
Mais les participants à cette soirée, pour la plupart des jeunes députés qui ont été élus en 2017 malgré la cinglante défaite de la droite, ont exprimé devant la vice-présidente du parti leur pressante envie de renouvellement. Pas question pour eux de venir épauler une liste aux européennes qui compterait certains eurodéputés sortants trop connotés comme venant de l'ancien monde. Cette nouvelle génération politique n'a pas hésité à balancer trois noms, ceux de Nadine Morano, de Rachida Dati et de Brice Hortefeux. «Virginie Calmels ne nous l'a pas dit ouvertement, mais je pense qu'elle non plus n'a guère envie de les voir figurer sur sa liste.»
Même le député de l’Ain et troisième vice-président de LR, Damien Abad, réputé proche de Laurent Wauquiez, milite également pour un profond renouvellement tout en évitant le match intergénérationnel. Souhait identique de la part du député du Lot d’Aurélien Pradié, ou encore de Pierre-Henri Dumont, député du Pas-de-Calais. Cela n’a pas échappé aux intéressés.
«Grenades dégoupillées»
A sa demande, ce petit groupe informel a été reçu par Laurent Wauquiez en début de semaine. Ces jeunes élus ont bien entendu plaidé leur cause et demandé que leur génération soit mieux représentée dans les instances du parti et notamment dans le futur shadow cabinet, chargé d'élaborer le projet de LR que le président du parti a promis de mettre en place. Mais ils ne se sont pas privés non plus de lui dire que, pour eux, Dati, Morano et Hortefeux ne devaient pas figurer sur la liste.
«Sur ce point, Laurent Wauquiez ne nous a pas répondu franchement, même s'il a convenu qu'il fallait plus de renouvellement. Il craint que dehors, ces trois-là se comportent comme de véritables grenades dégoupillées et, en plus, il ne veut pas rompre tous les liens avec l'ancienne sarkozie», souligne un des participants à cette réunion. Ces jeunes ont également fait valoir que l'apparition de nouveaux visages pourrait peut-être aider Wauquiez à décoller dans les sondages, alors que la cote de sympathie du président de LR est au plus bas. «Une donne dont Virginie Calmels s'inquiète quand elle en fait part en privé», assure un élu.