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Libération
Interview

«Le Medef s'est trop institutionnalisé»

Candidat à la succession de Pierre Gattaz à la tête de la principale organisation patronale française, Olivier Klotz veut faire entendre la voix des petits patrons.
Olivier Klotz à Paris, le 31 mai. (Photo Denis Allard)
publié le 11 juin 2018 à 9h04

Agé de 56 ans, l'actuel président du Medef Alsace est l'un des quatre derniers candidats en lice pour succéder à Pierre Gattaz à la tête de l'organisation patronale. S'il fait figure de tout petit outsider dans la bataille pour le renouvellement du poste de patron des patrons dont l'élection aura lieu le 3 juillet, Olivier Klotz, 56 ans, se dit pourtant décidé à «aller jusqu'au bout» pour défendre une vision, selon lui, proche du terrain, face aux deux grands favoris Geoffroy Roux de Bézieux et Alexandre Saubot. Les 45 membres du comité exécutif du Medef doivent faire connaître leur préférence, purement consultative, lundi après-midi.

Vous dites vouloir redonner de «la fierté au peuple des patrons». Est-ce à dire que le Medef les a oubliés ?

Il s’est en tout cas trop institutionnalisé. Le Medef, dont la vocation fondamentale est de représenter politiquement et économiquement les entrepreneurs auprès des pouvoirs publics, doit se recentrer sur son rôle d’influence. Cela signifie qu’il faut laisser à d’autres le soin de débattre sur des problématiques sociétales et sortir de ce que l’on appelle le «paritarisme de gestion» dans un très grand nombre d’organismes où le rôle du Medef s’est réduit à y faire de la figuration.

C’est-à-dire ?

Le Medef participe aujourd’hui à plus de 100 commissions, c’est trop. Il faut retrouver de la clarté dans nos priorités. Nous n’avons, par exemple, pas vocation à rester dans des instances où tout est cadré par l’Etat, comme la gestion de l’assurance chômage ou une partie de l’assurance maladie. C’est la même chose dans les groupements de protection sociale dans lesquels le Medef, en vertu de cette logique paritaire, est présent. Ces organismes interviennent aujourd’hui dans le domaine concurrentiel et ce n’est pas le rôle du patronat de gérer ces activités dans lesquelles le privé est bien plus efficace.

Vous insistez néanmoins sur la préservation de notre modèle social, n’est-ce pas contradictoire ?

Non, et ce dernier doit être plus équitable. Mais au-delà d’un socle commun en termes de couverture sociale, de retraite ou d’assurance chômage, il faut laisser plus de latitude aux acteurs pour adapter de manière optionnelle la situation au plus près de chaque entreprise. Je suis également partisan de laisser plus de liberté en termes de formation. Ce qui doit rester au Medef, c’est le domaine de l’interprofessionnel, les grands principes et règles qui s’appliquent à tous.

Vous êtes très critique sur le côté «très parisien», dites-vous, du Medef. Que préconisez-vous ?

Nous devons en faire plus au niveau européen et être plus présent à Bruxelles qu'à Paris. Je propose également que l'on quitte le quartier des ministères, dans le centre de Paris, ce serait un signal fort. Il faut des actes concrets qui montrent à tous les patrons affiliés au Medef que nos décisions et nos combats ne sont pas seulement dictés par les intérêts des grandes entreprises. Le Medef doit être le mouvement de tous les patrons, pas seulement des plus gros.

Quel est le sens du «pacte de stabilité réglementaire» que vous proposez de passer avec le gouvernement ?

Pour prendre des risques, car les patrons ne sont pas en capacité d’en prendre suffisamment aujourd’hui, il faut être assuré de la stabilité du paysage dans lequel on évolue. Cela signifie donc qu’il faut travailler sur un nouveau cadre juridique qui permette de sécuriser les entreprises quant à l’évolution des réglementations et des normes, principalement sur les plans fiscal et social. Les petits patrons, dont je suis, ont été très éprouvés ces dernières décennies par tous les chantiers autour des 35 heures, de la pénibilité ou le prélèvement à la source sur le revenu. Il faut plus de stabilité et être plus à l’écoute des PME et des TPE, de toutes petites entreprises.

Cela suffit-il de jouer la base contre le sommet pour être un candidat crédible ?

J’observe tous les jours sur le terrain le décalage qu’il peut y avoir entre une vision verticale, centralisatrice propre à toutes les organisations et les préoccupations quotidiennes des patrons sur le terrain. Ma candidature s’inscrit dans cette démarche. Quand vous voyez que l’élection au Medef va se jouer sur les choix des grandes fédérations et qu’au final ce sont 560 électeurs qui vont décider pour nos quelque 123 200 adhérents, cela a un petit côté suffrage censitaire, non ? Si j’ai décidé de me maintenir dans la course alors que la quasi-totalité des autres candidats ont fini par se rallier à l’un ou l’autre des deux favoris, c’est pour faire vivre ce qui devrait être un véritable débat démocratique, plus ouvert que ce à quoi nous assistons.