«La croissance, c'est d'abord une question de confiance», a expliqué mardi matin la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, lors des «Rendez-vous de Grenelle» organisés à son ministère pour faire un point sur le marché du travail. Alors la ministre veut y croire, malgré la quasi-stagnation de la croissance (plus 0,2% au premier trimestre), le ralentissement des créations d'emplois salariés (48 800 nouveaux postes sur la même période, selon l'Insee, soit une hausse de seulement 0,2%, contre plus de 100 000 au trimestre précédent), ou encore le rebond du chômage (plus 0,2% au premier trimestre, au sens du BIT). Et elle ne veut y voir que des «signaux» auquel il faut prêter «attention».
Rien de trop grave, donc. «La conjoncture du marché du travail reste bonne début 2018 malgré un contexte incertain», assure-t-elle, tout en jugeant les créations d'emploi «dynamiques». «La hausse du chômage en début d'année n'efface pas la tendance à la baisse à l'œuvre depuis un an», abonde le dossier distribué par ses services. Quant aux chiffres de Pôle Emploi, ils n'ont plus le droit de cité au ministère depuis que Pénicaud a décidé de ne plus les commenter mensuellement. Fin avril, ces mêmes chiffres relativisaient toutefois l'embellie sur le front de l'emploi, avec notamment une hausse, sur un an, du nombre de demandeurs d'emploi exerçant une activité réduite, et donc de la précarité.
«Contrecoup»
Pas de quoi faire perdre «confiance», non plus, à l'économiste Xavier Timbeau invité à débattre de la situation économique française par la ministre ce mardi. Pour le directeur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), il y a une «résilience des embauches». Et s'il y a bien un ralentissement, il s'agit en fait pour le directeur général de l'Insee, Jean-Luc Tavernier, d'un «contrecoup après une année 2017 très dynamique». Parmi les éléments expliquant ce coup de mou de l'économie française, selon lui : des «facteurs ponctuels», comme le «ralentissement de l'investissement des ménages en logement» et, plus largement, la décrue de la consommation liée à la baisse du pouvoir d'achat. Ou encore, pêle-mêle : l'appréciation de l'euro, le prix du pétrole, les incertitudes politiques. Et même les grèves qui «ont pu avoir un impact même si ce n'est pas le principal», selon Xavier Timbeau.
Mais pour Jean-Luc Tavernier, l'explication centrale est à chercher du côté des «tensions sur l'offre qui sont à des niveaux très haut», et notamment les difficultés des entreprises pour recruter, faute de profils adaptés. Du pain béni pour Muriel Pénicaud, qui, au premier rang, acquiesce. Et, évidemment, rebondit en défendant son deuxième projet de loi «pour la liberté de choisir son avenir professionnel» actuellement débattu à l'Assemblée nationale, qui ambitionne justement de combler le déficit en compétences de la France.
Stagnation des salaires
«On bute sur les qualifications, souligne-t-elle. Il faut amplifier notre action». Mais, alors que son deuxième projet de loi, une fois voté, devrait progressivement entrer en application dès le 1er janvier 2019, il n'est toujours pas possible de faire le point sur les effets de sa première réforme du marché du travail par ordonnances. Trop tôt, explique-t-elle, en renvoyant à la fin de l'année pour un premier bilan. Du côté des économistes présents, on se réjouit, pour l'heure, que cet assouplissement du marché du travail n'ait pas engendré une vague de licenciements, comme on pouvait le craindre. En revanche, la réforme pourrait, selon Xavier Timbeau, avoir un autre effet collatéral : la stagnation des salaires. Avec une hausse de l'inflation de 1,3% au premier trimestre, le salaire mensuel de base réel n'a, en effet, augmenté que d'un petit 0,2% sur la période.