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Justice

Double assassinat de l’aéroport de Bastia : nouvelle vague d’interpellations

Douze personnes, dont Jacques Mariani qui est soupçonné d’en être le commanditaire, ont été placées en garde à vue dans l’enquête sur les crimes perpétrés en décembre dernier à l’aéroport corse contre deux figures du banditisme.
Le 5 décembre 2017 à l'aéroport de Bastia, après le double assassinat. (Photo Pascal Pochard-Casabianca. AFP)
publié le 13 juin 2018 à 6h00

Deuxième coup de filet de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille et certainement pas le dernier. Mardi matin, douze personnes, dont la figure Jacques Mariani, ont été placées en garde à vue en Haute-Corse et à Marseille dans le cadre de l’enquête sur le double homicide dit de l’aéroport de Bastia du 5 décembre 2017. Dix ont été interpellées et deux extraites de leurs cellules.

Une seconde vague, donc, qui intervient quelques jours après une opération de grande envergure. La semaine dernière, sept personnes ont en effet été mises en examen et placées en détention, suspectées d'avoir participé au double assassinat d'Antoine Quilichini (dit «Tony le boucher») et de Jean-Luc Codaccioni, considérés comme des «gros poissons» du milieu corse. Les premiers noms de la liste de suspects sont «défavorablement connus de la police et de la justice».

Il s'agit des frères Christophe et Richard Guazzelli, fils d'un ancien baron du gang criminel de la Brise de mer tué en 2009, d'Ange-Marie Michelosi, lui aussi fils d'un homme fiché au grand banditisme et assassiné en 2008. Christophe Andreani, ami proche des frères Guazzelli, occupe une place de choix sur le tableau, au côté de José Menconi, lui-même un «beau voyou» de l'ancienne génération auquel les enquêteurs attribuent pour l'heure «un rôle périphérique» dans le double homicide de l'aéroport.

Macabre puzzle

Vient ensuite le «second couteau» : un certain Hafid Bekouche, présenté comme un homme de main des frères Guazzelli. Dernière pièce identifiée du macabre puzzle : Cathy Sénéchal, surveillante pénitentiaire à la prison de Borgo. Cette dernière aurait fourni les informations nécessaires à l’accomplissement des crimes, selon l’accusation, notamment en ce qui concerne les dates de permission de Jean-Luc Codaccioni, qui finalisait de purger une peine de 10 ans à la prison de Borgo au moment de son assassinat.

Le double homicide est considéré comme «un travail de pro, mené par des tueurs aguerris», selon un proche de l'enquête. Une technique de guet-apens bien rodée, «signature des règlements de comptes entre voyous, poursuit ce connaisseur des dossiers de bandits insulaires. Un schéma simple mais efficace, qui nécessite de la préparation, des informations et de la précision dans l'exécution». Bref, le genre de méthode qui vise à ne pas laisser de trace derrière soi et qui donne souvent du fil à retordre aux enquêteurs.

Cette fois, les choses sont différentes. En surveillance depuis de longs mois sur leurs cibles dans le cadre d'une autre enquête sur un trafic de stupéfiants, les hommes de l'antenne bastiaise de la police judiciaire d'Ajaccio pensent cette fois avoir du grain à moudre à l'encontre des suspects. «C'est sans doute le dossier Jirs le plus emblématique des affaires corses, celui qui donne le mieux à voir la façon dont fonctionnent les clans, dont s'organisent les alliances pour éliminer les rivaux», analyse un policier rompu aux subtilités de la voyoucratie insulaire.

«Vendetta entre héritiers»

Une vision rendue possible par un travail «classique» de filature, écoutes et autres planques. Mais aussi et surtout grâce au déchiffrement des téléphones «pgp», appareils supposés impossibles à décrypter, qui auraient été utilisés par les protagonistes de l'affaire. «Ils ont commis l'erreur de les garder avec eux», commente un policier. Toujours selon l'accusation, l'analyse des téléphones a permis de mettre au jour des conversations incriminantes et de définir un scénario criminel, «corroboré par d'autres éléments». «Les enquêteurs penchent pour une vendetta entre héritiers de la Brise, assure un proche du dossier. Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni étaient des proches de Jean-Luc Germani, auquel on attribue l'assassinat de Francis Guazzelli, le père de Richard et de Christophe». En garde à vue et devant le juge d'instruction, les voyous n'ont pas pipé mot. Et ils restent présumés innocents.

«La thèse policière repose, comme souvent, sur une analyse subjective dont sont exclues la plupart des données favorables à la défense, insiste d'ailleurs Me Julien Pinelli, l'un des conseils des mis en cause. Il conviendra donc de la confronter aux éléments concrets du dossier, et de mettre en évidence ses nombreuses contradictions.»

La dernière inconnue du dossier concerne «le cas» Jacques Mariani. Lui aussi héritier d'un baron assassiné de la Brise de mer, le quinquagénaire habitué de la prison aurait «joué un rôle important» dans l'affaire. Celui du commanditaire de l'assassinat de Codaccioni et Quilichini selon un de ses anciens amis, qui bénéficie désormais du statut de repenti. Chacun spéculait sur son prochain placement en garde à vue, c'est désormais chose faite.