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Libération
Récit

A Saint-Nazaire, de nouveaux contrats pour STX sur fond d'affaire Kohler

Les chantiers navals de Saint-Nazaire obtiennent une commande de 3 milliards d'euros alors que le secrétaire général de l'Elysée et ancien administrateur de STX France, est visé par une enquête pour trafic d'influence.
Des travailleurs de STX dans le port de Saint-Nazaire, le 15 novembre 2017. (Photo Jean-Sébastien Evrard. AFP)
publié le 14 juin 2018 à 19h47

La moisson de contrats continue pour STX. Son client MSC a annoncé ce jeudi la commande d'un nouveau paquebot propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL), commande qui s'ajoute à la confirmation de deux autres bateaux qui étaient jusqu'alors bloqués par des négociations sur les garanties financières. Ce contrat, évalué à «plus de trois milliards d'euros» par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, en visite sur place ce jeudi, allonge un peu plus le carnet de commandes de STX France – qui était déjà plein jusqu'en 2026… Son directeur Laurent Castaing avait d'ailleurs initialement «refusé» cette commande à l'armateur italo-suisse, par «manque de capacités industrielles». Entre-temps, un réaménagement du site des chantiers navals de Saint-Nazaire, grâce à l'intervention de l'Etat, a permis de débloquer la situation.

Lors de sa venue à Saint-Nazaire, Bruno Le Maire a aussi annoncé que l'entreprise allait retrouver son nom originel de «Chantiers de l'Atlantique» : les «négociations» entre l'Etat et Alstom, son ancien propriétaire, ont en effet abouti. L'actuel locataire de Bercy a voulu aussi «rassurer» les salariés de l'entreprise sur la «solidité» de l'accord noué avec leur concurrent italien Fincantieri sur la fusion des deux sociétés. «C'est un accord stratégique, qui dépasse les petites irritations politiques du moment», a déclaré Bruno Le Maire à la veille de la réception par Emmanuel Macron du nouveau président du Conseil italien, Giuseppe Conte, sur fond de tensions sur la question des migrants. Le Maire fera de nouveau part de sa satisfaction «dès la semaine prochaine» à son homologue italien. En attendant le feu vert des autorités de la concurrence, STX France va donc devoir être de nouveau nationalisé «temporairement», a-t-il admis.

Le fantôme de l’affaire Kohler

Le ministre s'exprimait alors sur une petite tribune installée sous la coque du dernier-né des chantiers navals, où flottaient au vent un drapeau français et celui de MSC. Tout un symbole, alors que des soupçons de conflit d'intérêts pèsent sur Alexis Kohler. Ancien directeur financier de MSC, avec qui il est lié par des relations de famille, le secrétaire général de l'Elysée fait en effet l'objet d'une enquête du parquet national financier (PNF) pour «prise illégale d'intérêt» et «trafic d'influence» suite à une plainte de l'association anticorruption Anticor. Laquelle se demande si le plus proche conseiller d'Emmanuel Macron a pu favoriser l'armateur lorsqu'il représentait à partir de 2010 l'Agence des participations de l'Etat (APE) auprès de STX France. Le directeur général de STX France a pour sa part tenu à remercier la famille propriétaire de MSC pour sa «longue relation de confiance» avec son entreprise. «Je suis malheureux d'entendre dire, ici ou là, que cette relation pourrait être ponctuelle ou dictée par des petits intérêts personnels», a déploré Laurent Castaing.

Lors d'une prise de parole en marge de la cérémonie, la CGT navale a aussi fait entendre sa voix. «Bruno Le Maire vient […] pour parler à ses amis, son milieu social : le patronat et les actionnaires», a fustigé son secrétaire général Sébastien Benoît. «Aujourd'hui c'est MSC, l'armateur et son patronat qui sont à l'honneur. L'histoire ne dit pas s'il vient accompagné de M. Kohler, ancien membre du conseil d'administration des chantiers de Saint-Nazaire, ancien responsable financier de MSC et aujourd'hui secrétaire général de l'Elysée.» Evidemment, Bruno Le Maire était venu seul.