Les «premiers de cordée», dont Emmanuel Macron fait régulièrement l'éloge, seraient-ils ses meilleurs ennemis ? Des alliés encombrants en tout cas. Avec une mâle assurance, le président se plaint du «pognon de dingue» dépensé pour les aides sociales. Le surlendemain, l'assemblée générale de Carrefour s'apprête à ratifier les émoluments consentis à son ancien PDG, qui représentent aux yeux de toute personne de bon sens, et pour reprendre le langage macronien, un «blé de malade». C'est-à-dire quelque 17 millions d'euros, agrémentés d'une «retraite chapeau» de 500 000 euros par an, jusqu'à la fin d'une vie qu'on souhaite néanmoins longue à ce chanceux partant. En remerciement de succès éclatants ? Voire. Le nouveau PDG, Alexandre Bompard, se répand partout en disant en substance que l'entreprise va dans le mur. Autrement dit, il approuve le jackpot touché par son prédécesseur tout en disant en termes à peine voilés que son héritage est calamiteux. Il est vrai qu'il percevra un salaire du même genre, tout en annonçant qu'il taille à la serpe dans les effectifs. On entend bien que la réduction de ces revenus mirifiques ne changerait pas grand-chose à l'équilibre du budget social, qui joue sur des montants considérables. Mais c'est affaire de symbole. Le gouvernement socialiste avait maintenu l'impôt sur la fortune et mis à égalité l'imposition du capital et du travail. En revenant en arrière, le nouveau gouvernement ratifie un état de fait pour le moins préjudiciable à la solidarité nationale. Il est désormais établi, dans le capitalisme contemporain, que les dirigeants des grandes entreprises, par l'énormité de leur niveau de vie et les garanties financières dont ils bénéficient, même en cas d'échec, sont projetés hors du monde commun, au sommet d'une montagne d'argent. Il y a des premiers de cordée. Mais il n'y a pas de corde.
Dans la même rubrique