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Libération
Reportage

A Marseille, les fans de Johnny lui rendent hommage au château de la Buzine

A l'occasion du 75e anniversaire de la star décédée, des fans se sont retrouvés autour d'une exposition, la première du genre depuis son décès, construite dans un contexte de guerre familiale autour de l'héritage.
Eve, vendredi soir au château de Buzine à Marseille, à l'occasion d'une exposition et de l'anniversaire de la star. (Photo Olivier Monge. Agence Myop)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 16 juin 2018 à 17h05

Eve la Niçoise s'est habillée tout en noir, avec son t-shirt «Johnny Forever». C'est l'anniversaire de l'idole des jeunes ce 15 juin. A Paris, les fans se sont rués à la Madeleine pour pleurer. A Marseille, c'est au château de la Buzine que la sexagénaire pétillante a choisi de commémorer l'événement. «Aujourd'hui, il y avait aussi l'inauguration d'une statue de deux mètres à viviers, dans l'Ardèche, explique-t-elle. C'est là qu'est enterrée sa mère. L'ADN de Johnny, il est là-bas. Y a même un restaurant qui s'appelle Tennessee… Mais bon, j'irai après voir la statue, je préférais être ici ce soir.» A La Madeleine, à Viviers, à la Buzine ou ailleurs : l'important ce vendredi, c'était d'être avec feu Johnny.

Avec Eve, ils sont une cinquantaine d'anciens jeunes à s'être déplacés pour assister à la soirée spéciale organisée par l'établissement. Au programme, une double-conférence sur «Johnny, la passion française» et «Johnny, le rêve américain», avec au micro Fabien Lecœuvre, chroniqueur mondain, et Bernard Pascuito, journaliste et écrivain. Ce dernier est aussi le co-commissaire, avec la directrice de la Buzine Valérie Fedele, de l'exposition «Johnny», première du genre depuis la mort du chanteur, accrochée dès le mois d'avril sur les murs du château. En quelques guitares, costumes de scène et surtout photographies, le parcours célèbre le rocker sous toutes ses coutures. Suant sur scène en costume à franges, accoudé à une voiture de course, le visage juvénile, s'inondant le visage d'eau en plein concert...

«On a aussi reconstitué une loge», précise Bernard Pascuito, d'autant plus content du résultat global que sa tâche n'a pas été simple. «On m'a sollicité en janvier pour monter cet expo, raconte-t-il. Marseille voulait rendre hommage à Johnny, il fallait aller vite. Au début, on a bien avancé… puis est arrivée l'histoire du testament. Et là, ça s'est compliqué.» La famille Halliday se déchirant par médias interposés, toute action peut être mal interprétée par un camp ou l'autre. Le président du fan club officiel de Johnny, intermédiaire précieux pour accéder aux pépites des collections privées, a ainsi préféré botter en touche, raconte Bernard Pascuito : «Le club était propriété de Johnny, donc de Laetitia aujourd'huiC'est un peu son employeur… Dans cette situation, chacun craint un peu de dire une connerie, donc on ne fait plus grand chose, pour éviter de froisser telle ou telle partie…»

«Allumer le feu, mais raisonnablement»

L'idée de départ était de faire une exposition plus personnelle, retraçant la vie de Jojo. L'affaire de l'héritage compliquant trop les choses, ce sera finalement la carrière artistique du chanteur qui servira de fil conducteur au parcours. Seule entorse à la règle : un mur regroupant 32 des 82 couvertures de Paris Match consacrées à la star, ses enfants, ses mariages… Eve, qui n'a jamais digéré le divorce d'avec Sylvie, est satisfaite : le couple, photographié sur scène les yeux dans les yeux, se taille la part belle sur les murs de la Buzine. «Ils se mangent des yeux, tu vois l'amour, sourit la fan. Pour moi, c'est ça Johnny. Beau, jeune...» Eve est restée fidèle à l'idole des jeunes, mais n'aime pas les derniers disques de la star. Elle s'énerve aussi contre les fans de la dernière heure, ou ces «fadas» qui dépensent des fortunes pour aller à Saint-Barth et qui pleurent depuis ce matin devant l'église de la Madeleine. Bernard Pascuito aussi, trouve que c'est «too much»: «Ce n'est pas tant les fans, mais les chaînes infos qui en font des tonnes, qui traitent ça comme une rencontre Poutine-Trump…»

A la Buzine, contrairement aux images parisiennes, personne n'a enfilé son blouson de cuir. Personne ne pleure, non plus, quand Fabien Lecœuvre raconte les débuts difficiles du rocker, qui avait dû digérer une pétition d'artistes établis lui demandant de ne plus se produire. «On n'a pas parlé de sa voix, qui était extraordinaire», croit bon de préciser un homme dans le public. C'est vrai qu'il avait une voix extraordinaire, concèdent les spécialistes. La salle acquiesce en chœur, quelques sourires tristes éclairent les visages. On pense au défunt. Johnny est mort, joyeux anniversaire Jojo… Pas de gâteau à souffler, mais on va tout de même trinquer après la conférence, en écoutant quelques classiques de la star. Les Blues Trippers, un groupe d'amateurs, ont été bookés il y a une semaine pour assurer l'animation musicale. «On nous a demandé de faire une ambiance, pour que les gens puissent quand même parler, prévient Renaud, le guitariste. On va allumer le feu, mais raisonnablement…»

Exposition «Johnny», jusqu'au 17 septembre www.labuzine.com