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Politique

Européennes : le casse-tête du casting

A la recherche de personnalités connues sur la scène nationale, les partis français peinent à composer leur liste en vue du scrutin de 2019.
Les membres du Parlement européens, lors d'une session de vote à Strasbourg le 13 juin. (Phoro Frederick Florin. AFP)
publié le 19 juin 2018 à 7h05

C'est la partie immergée de l'iceberg : les élections européennes et le choix – crucial – de la future tête de liste expliquent en partie la guerre ouverte au sommet du parti Les Républicains ces derniers jours. Laurent Wauquiez a sèchement remplacé la numéro deux du parti dimanche soir, Virginie Calmels, jusqu'alors pressentie pour mener la droite lors du prochain scrutin européen, en 2019, par Jean Leonetti, dont le nom circule depuis cet hiver pour prendre la tête de liste. Mais ils sont nombreux, au sein de LR, Nicolas Sarkozy en tête, à pousser désormais la candidature de Laurent Wauquiez lui-même. Cette énième fragmentation au sein de la direction de LR souligne la difficulté de tous les partis à trouver les bons chevaux pour espérer regagner un peu de terrain face à LREM l'an prochain.

Notoriété nationale

En modifiant les règles électorales du scrutin de 2019, pour créer une circonscription électorale unique à l’échelle du pays, Emmanuel Macron entend lutter contre l’abstention et le désintérêt des Français pour les européennes. Le chef de l’Etat fait d’une pierre deux coups, piégeant les partis traditionnels. Là où, auparavant, les têtes de liste étaient rattachées à quatre grandes régions, ce qui favorisait l’ancrage local, il y aura désormais une liste nationale, ce qui nécessite une notoriété équivalente sous peine de se prendre une (nouvelle) sanction dans les urnes. Les perles sont donc encore plus rares. Entre la tête de liste et les 79 candidats requis pour se présenter, le grand mic-mac va durer encore quelques mois. Etat des lieux, alors que chacun sait bien que quelles que soient les têtes de liste, les Macron, Wauquiez, Mélenchon, Le Pen ou Hamon seront les principaux porte-voix de leur formation respective.

Les Insoumis sont quasiment en ordre de bataille. Le parti devrait faire valider par un comité de citoyens fin juin l'idée d'une tête de liste bicéphale et paritaire, menée par Charlotte Girard et Manuel Bompard. Les camarades de Jean-Luc Mélenchon ont deux objectifs : proposer une alternative à l'Europe sans être rapprochés de la contestation venue de l'extrême droite et arriver en tête des partis de gauche français.

Surprenant leurs alliés potentiels à la gauche de la gauche, les communistes ont désigné, début juin, Ian Brossat comme «chef de file national» pour les européennes. Pour autant, le PCF dit ne pas se résigner à l'éparpillement des forces. La France insoumise n'a, dixit Brossat, «jamais envoyé aucun signe» mais la main «reste tendue». Adjoint de la maire de Paris, Anne Hidalgo, Brossat a un profil idéal pour participer à une alliance des gauches.

Peser plus lourd

Pour Génération·s, le mouvement de Benoît Hamon, les européennes relèvent du crash-test. Ce sera le premier scrutin post-présidentielle : ça passe ou ça casse. Du coup, le choix de la tête de liste est encore plus crucial. Benoît Hamon explique dans les médias qu'il n'exclut pas de repartir au combat électoral mais un score médiocre tuerait dans l'œuf toute velléité présidentielle. Du coup, Génération·s regarde du côté de la société civile aussi : la journaliste Elise Lucet a été approchée sans succès. Mais c'est vers une alliance avec Europe Ecologie-les Verts que semble aujourd'hui pencher Hamon, histoire de peser plus lourd entre les socialistes et les Insoumis. Noël Mamère pourrait alors être la tête de liste commune. Mais pour l'instant, rien n'est fait.

Depuis leur coup d'éclat aux européennes de 2009, les écologistes français concentrent une grande partie de leurs forces sur ce scrutin. Ce qui fait sens au vu des enjeux politico-environnementaux. EELV dispose de six eurodéputés dans le Parlement européen sortant. José Bové et Eva Joly jetant l'éponge, la tête de liste devrait revenir à l'eurodéputé Yannick Jadot. A moins qu'une alliance soit finalement scellée avec le mouvement de Benoît Hamon…

Asphyxiés par LREM, les socialistes sont à la recherche d'une bouffée d'air électorale avant les municipales. Mais vu l'état du parti (et des relations entre les dirigeants), tout le monde se planque malgré les coups de sonde envoyés par le premier secrétaire. La liste des têtes de listes rêvées est longue : de Christiane Taubira à Najat Vallaud-Belkacem en passant par Matthias Fekl. Même s'il est à la recherche d'une femme de préférence, Olivier Faure a démenti la semaine dernière avoir approché l'ancienne secrétaire d'Etat Axelle Lemaire. De son côté, le commissaire européen Pierre Moscovici croit toujours en ses chances mais certains éléphants plaident pour qu'Olivier Faure soit lui-même candidat. A la rentrée, le PS débattra de la politique et des orientations européennes. Le choix de la tête de liste interviendra plus tard.

Malentendu

Au sein de la majorité, une rumeur chasse l'autre. Le parti du chef de l'Etat semblait jusqu'alors à la recherche d'une tête de liste issue de la société civile. LREM n'a pas l'intention de changer la recette qui a fait des merveilles lors des législatives en France l'an dernier. Les noms de l'astronaute Thomas Pesquet et de Pascal Canfin, ancien ministre écolo et patron du WWF, ont circulé cet hiver. Pour le premier (au moins), il s'agissait d'un malentendu sans aucune réalité politique. Plus sérieusement, les candidatures de Daniel Cohn-Bendit et d'Alain Juppé ont été étudiées mais c'est celle de l'ancienne eurodéputée centriste (2009-2017) et éphémère ministre des Armées, Sylvie Goulard, qui semble tenir la corde.

Partenaire de la majorité, le Modem a toujours mis le paquet sur les élections européennes. En décembre, le patron de LREM, Christophe Castaner, expliquait vouloir bâtir une liste commune avec le parti de François Bayrou. «Sur l'Europe, nous partageons l'ambition et la logique du président», confirme le patron des députés centristes, Marc Fesneau, dans Libération lundi, tout en précisant que la tête de liste n'est pas encore arrêtée. «Nous souhaitons encore élargir le cercle des sensibilités sans que notre liste apparaisse somme la citadelle assiégée des Européens béats.»

Après l'échec à la présidentielle et le big bang politique de 2017, le Front national rebaptisé Rassemblement national est à la recherche d'un rebond solide. Marine Le Pen, désormais députée au Palais-Bourbon, n'a aucune intention de s'y coller en personne. Sa stratégie de «désenclavement» vise à disputer le leadership de la droite nationale à Laurent Wauquiez. Pour cela, elle a besoin d'alliés extérieurs, d'où sa tentative de rapprochement, pour l'instant infructueuse, avec Nicolas Dupont-Aignan qui l'avait soutenue durant l'entre-deux-tours de 2017. D'où, aussi, ses discussions avec le toujours LR Thierry Mariani ou Jean-Frédéric Poisson du Parti chrétien démocrate. Pour la tête de liste, Marine Le Pen préférerait une personnalité de la société civile. Symboliquement, elle a même proposé à Dupont-Aignan qu'ils soient tous les deux derniers sur la future liste.