Un peu plus longtemps que ce que durent les roses. Après dix semaines de front uni et 30 journées de grèves par intermittence, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF vont acter la fin de leur vie commune le 28 juin. Une réunion de deux heures à laquelle participaient la CGT, l'Unsa, Sud-rail et la CFDT mardi, en fin de journée, a mis en lumière leurs divergences. Si la CGT et Sud-rail ont indiqué qu'ils appelleraient de nouveau à la grève en juillet, l'Unsa a annoncé de son côté qu'elle ne suivrait pas le mouvement. «On s'arrêtera le 28 juin comme c'était prévu dans le calendrier. On poursuit jusqu'à cette date parce qu'on entend peser sur la table ronde sur les négociations salariales à venir», explique Roger Dillenseger, secrétaire général de l'Unsa ferroviaire. «Ce n'est pas pour autant la fin de la bataille, mais le milieu. On souhaite peser sur les négociations des conventions collectives», précise-t-il. A ceux qui reprochent à l'Unsa de briser l'unité syndicale, Roger Dillenseger s'en défend : «Nous sommes allés jusqu'au bout du travail unitaire prévu initialement. Nous assumons notre sortie de la grève.» La CFDT cheminots semble sur la même longueur d'onde même si son secrétaire général est plus sibyllin. «L'unité syndicale n'est jamais qu'un moyen. Elle peut être reconstruite assez rapidement.» Il faudait donc en déduire qu'elle a vécu.
La CGT et Sud rail prêts à continuer
De leur côté, les partisans de la poursuite de la grève avancent en ordre dispersé. A la sortie de l'intersyndicale, Laurent Brun le secrétaire général de la CGT-Cheminots a appelé à «la mobilisation au-delà du mois de juin». Sans plus de précision. L'organisation syndicale «déterminera les propositions qu'elle fera aux cheminots». Ce pourrait être des arrêts de travail à date fixe, avec une première autour du 7 juillet ce qui impacterait les départs en vacances. Sud rail est dans une logique différente que détaille son secrétaire fédéral : «Nous pourrions converger avec la CGT sur la date du 7 juillet, mais nous n'excluons pas non plus d'arrêter le travail le 14 juillet. De toute manière, nous ne sommes pas partisans des annonces en avance qui permettent à l'entreprise de s'organiser».
Le leader syndical n'est pas particulièrement inquiet de l'impact, auprès de l'opinion publique d'arrêts de travail, au moment des départs en vacances: «Les 40% d'opinions favorables que nous avons [correspondent à] des usagers qui vont au-delà des cheminots et se positionnent sur la notion de service public.»
Pas question, en tout cas, pour le mois de juillet de multiplier les jours de grève. Certains grévistes totalisent trente jours d’arrêt de travail au compteur qui pèsent lourd sur leur fiche de paie. La mobilisation ne pourra donc être ciblée que sur quelques dates.
Reste la question de l’utilité de nouveaux jours de grève alors que le texte de la réforme ferroviaire a été voté. Sauf avis contraire du Conseil constitutionnel, la fin du statut des cheminots pour les nouveaux embauchés, la transformation de la SNCF en société anonyme et l’ouverture à la concurrence des lignes nationales comme régionales sont désormais irréversibles. Le gouvernement a, en outre, les coudées franches pour prendre des décrets d’application sur le calendrier et les détails de la mise en œuvre de la loi. L’exécutif peut par ailleurs prendre des ordonnances pour les sujets plus importants que le texte de loi sur la réforme ferroviaire n’aborde pas particulièrement, comme le devenir des petites lignes.
Négociations sur le statut
Pour autant, les organisations syndicales veulent maintenir la pression pour la «troisième mi-temps «qui ne fait que débuter. La partie maintenant se jouer devant l’Union des transports publics. Cet organisme patronal regroupe l’ensemble des entreprises ferroviaires présentes en France. Or, il leur revient d’élaborer la future convention collective des salariés du monde du rail. Ce document viendra remplacer feu le statut des cheminots et précisera aussi bien le temps de travail que les rémunérations pour les dizaines de métiers du train. Pas moins de dix-huit mois sont prévus pour rédiger ce volumineux document. C’est justement sur cette négociation que veulent peser les quatre syndicats de la SNCF qui, cette fois-ci agiront en front désuni.
Ainsi Sud entend prendre comme base de négociation l’actuel statut des cheminots et négocier pied à pied chaque point que voudra modifier l’UTP. Cette dernière, en revanche, va vraisemblablement partir d’une page blanche dans le but de construire, ex nihilo un nouveau statut des salariés du rail. Les discussions s’annoncent donc animées et l’Etat devrait se retrouver en position d’arbitre.
La première réunion de ce marathon social a eu lieu vendredi. La CGT en est sortie en qualifiant les échanges de provocation tandis que l’Unsa y a vu des avancées intéressantes. Les prémices d’un requiem pour une unité syndicale à l’avenir plus qu’incertain.