L’Europe, déchirée comme jamais par la question migratoire. A deux jours d’une réunion convoquée en urgence à Bruxelles par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, pour tenter de trouver un compromis sur le traitement des réfugiés, la tension était à son comble vendredi.
A Rome, le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, faisait savoir que le bateau de l'ONG allemande Mission Lifeline, naviguant au large de Malte avec 239 migrants à bord, ne trouverait pas refuge dans son pays. «Les ports italiens ne sont plus à disposition des trafiquants, ouvrez les ports maltais, les ports français», a-t-il lancé (lire aussi pages 6-7). La veille, à Budapest, les dirigeants du «groupe de Visegrad», club de pays favorables à une ligne dure sur l'immigration (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque) décidaient de boycotter le mini-sommet. Ce même jeudi, en déplacement à Quimper, Macron s'est élevé, en des termes peu diplomatiques, contre les gouvernements populistes et leurs alliés : «Vous les voyez monter, comme une lèpre, un peu partout en Europe, dans des pays où nous pensions que c'était impossible de les voir réapparaître. […] Ils disent le pire, et nous nous y habituons ! Ils font les pires provocations, et personne, personne ne s'en scandalise !»
Visiblement atteint par les critiques sur le silence français au début de l'errance de l'Aquarius, Macron estime ne pas avoir «à rougir» de sa politique migratoire, qui se veut «à la hauteur de notre tradition d'accueil», sans mettre en péril «la cohésion nationale» .
Cette charge contre «la lèpre» dans l'UE a été violemment critiquée, en France comme à l'étranger, par les droites et les extrêmes droites. «Va-t-il nous fâcher avec le monde entier ?» s'est interrogée Marine Le Pen, tandis qu'une porte-parole de Laurent Wauquiez se disait «très choquée» que soient insultés des «choix démocratiquement faits». A Rome, Salvini ne s'est pas privé d'ironiser : «Nous sommes peut-être des populistes lépreux mais moi, les leçons, je les prends de qui ouvre ses ports.» Après avoir fait planer la menace d'un boycott, le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a confirmé sa présence au mini-sommet de dimanche. Où une solution pourrait agréer l'Italie : les migrants secourus en mer seraient orientés vers des «plateformes régionales de débarquement» situées hors de l'UE, par exemple sur les côtes tunisiennes.