Le parti des multilatéralistes coopératifs contre celui des nationalistes populistes. Au sommet européen de Bruxelles, jeudi et vendredi prochains, comme au G7 de La Malbaie, au Canada, début juin, Emmanuel Macron joue la même partition. Celle qui consiste à opposer le respect du droit international et des «valeurs» démocratiques aux dirigeants qui se sont fait élire en promettant de construire des murs. Face au vitupérant ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, et aux chefs de gouvernement des pays du groupe de Visegrád (Hongrie, Pologne, Slovaquie et République tchèque), le chef de l'Etat tente de prendre le leadership d'une alliance antipopuliste, comme il l'avait fait le 8 juin face à Trump, sur les rives du Saint-Laurent. D'un côté ceux qui veulent sauver et renforcer l'UE, de l'autre ceux qui veulent la détruire. A moins d'un an de l'échéance, tels sont les termes simplissimes du débat que Macron voudrait imposer aux prochaines élections européennes. Cosignée par Jean-Marc Ayrault, Alain Juppé et Daniel Cohn-Bendit, une tribune publiée ce dimanche par le JDD - «Europe : continuons d'avancer» - dessine les contours du large rassemblement espéré par le fondateur d'En marche.
«Arrogance». Après sa rencontre avec Angela Merkel, mardi au château de Meseberg, il recevait samedi à l'Elysée le nouveau Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sánchez. Concernant la question des migrants, ce dernier s'est rallié à la position définie par la chancelière et le président français : l'Union européenne devrait prévoir de créer, dans «les pays de premier accueil» (Grèce, Italie, Espagne), des «centres fermés» dotés de moyens européens. Une instruction rapide des dossiers devrait permettre de distinguer les «migrants économiques» des personnes qui ont droit à l'asile. Les premiers auraient vocation à être reconduits vers leur pays d'origine tandis que ceux qui auront obtenu le statut de réfugiés devraient être répartis dans tous les pays de l'UE. «C'est une solution qui est coopérative et respectueuse du droit. Nous devons tenir nos principes et ne pas nous laisser bousculer par les extrêmes», a conclu Macron, samedi, devant la presse. A cette occasion, il a une fois de plus déclenché la fureur de Salvini comme des démocraties «illibérales» d'Europe centrale. Le premier s'est emporté contre «l'arrogance française» qui voudrait faire de l'Italie un «camp de réfugiés», les seconds n'ont pas apprécié que Paris menace de «sanctions» les pays qui «revendiquent massivement leur égoïsme national» tout en profitant «massivement» des subventions de l'UE.
Mais tout en se posant en rempart contre les populistes, Macron défend une politique migratoire d'une extrême fermeté. Samedi, aux côtés de Pedro Sánchez, il a insisté sur le nombre «très limité» de migrants effectivement éligibles au statut de réfugié. Pour l'immense majorité des personnes retenues dans les «centres fermés», il préconise «une politique de reconduite rapide et efficace» vers les pays d'origine. On est donc assez loin de «la politique immigrationniste» que Marine Le Pen et Eric Ciotti, volant au secours des pays de l'«axe» anti-migrants Visegrad-Vienne, ont cru pouvoir dénoncer dimanche.
«Inconfort». Déjà troublée par le projet de loi de Gérard Collomb qui prévoit notamment l'allongement de la durée de rétention des demandeurs d'asile, l'aile gauche de la majorité présidentielle sera, elle, sans doute surprise d'entendre le chef de l'Etat plaider pour la reconduite dans leur pays d'origine de près de 90 % des migrants qui franchissent la Méditerranée. Le député LREM Jacques Maire reconnaît «un inconfort». Mais il approuve pourtant cette politique qui vise selon lui à «sauver l'asile» menacé en Europe par plusieurs gouvernements et en France par la poussée des extrêmes droites. Alors que, dans les faits, le nombre de migrants franchissant la Méditerranée est relativement limité (ils seraient en 2018 vingt fois moins qu'en 2015), cet élu marcheur veut croire à l'efficacité d'une politique de réduction des départs grâce à la coopération avec les pays d'origine, la lutte contre les trafiquants et le renforcement de la protection extérieure de l'UE, ce qui réduirait le risque de devoir procéder à des expulsions massives. C'est aussi le pari d'Emmanuel Macron.