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Libération
Finances publiques

Des PPP pour payer des pépettes à perpèt

S’il permet de faire des économies à court terme, le partenariat public-privé est souvent une «bombe à retardement» pour les finances publiques, à moins d’un encadrement très étroit.
publié le 25 juin 2018 à 18h26

Apremière vue, le partenariat public-privé (PPP) est la super bonne affaire. Importée de Grande-Bretagne, cette martingale permet à une autorité publique de construire un équipement en faisant payer l’investissement, l’entretien et le fonctionnement par un groupement privé.

Le chef de file du groupement est toujours une grosse entreprise du BTP avec, dans son équipe, une armée de prestataires, dont l’architecte. Le contrat porte sur une trentaine d’années, l’utilisateur public verse un loyer au privé pendant tout ce temps et récupère la propriété de l’immeuble à la fin. Le ministère des Armées et le tribunal de Paris ont été bâtis de cette façon, avec Bouygues en chef de file. La Défense et la Justice sont donc locataires. Le PPP a également été utilisé à haute dose pour les prisons, les hôpitaux et tous les nouveaux stades.

Pris dans une analyse financière à courte vue, le commanditaire ne regarde qu'une chose : il récupère un immeuble neuf sans l'avoir payé. Mais comme rien n'est gratuit, cette forme de location-vente n'est que de la dette reportée sur la génération suivante, et augmentée des frais financiers. Dès 2014, la Cour des comptes qualifiait les PPP de «bombes à retardement» et cette année, elle a sommé la chancellerie de cesser d'utiliser ce dispositif pour ses prisons.

Pacte faustien

En outre, la formule donne un dangereux pouvoir à l’entreprise qui obtient le contrat. Ce n’est plus le ministère, le maire ou la collectivité qui dirige, c’est Bouygues, Vinci ou Eiffage. Dans ce pacte faustien, l’utilisateur futur n’ordonne plus les modifications, mais les réclame et règle la facture pour les rajouts pas prévus au départ : 25 millions de plus pour le tribunal de Paris ou encore 2 500 euros la prise électrique supplémentaire pour le ministère des Armées… Quant à l’architecte, habituellement défenseur du projet, il n’est plus maître de rien. Dans un deal pareil, face aux bataillons de juristes et d’experts des majors du BTP, le commanditaire a intérêt à être musclé. Ce n’est pas souvent le cas des administrations. L’hôpital Sud Francilien, confié à Eiffage, était truffé de malfaçons.

Plébiscité par la droite, qui y voit une réponse par le marché aux problèmes de financement, le partenariat a toujours été regardé avec méfiance par la gauche pour laquelle il signe la démission du service public. Pourtant, en 2010, le département de Seine-Saint-Denis, présidé par le socialiste Claude Bartolone, décide d'y recourir pour la construction de ses collèges. Mais «nous ne sommes pas devenus des convertis du PPP», souligne Stéphane Troussel, l'actuel président du département. Face à des collèges délabrés et à une démographie scolaire galopante (11 % de collégiens en plus chaque année), l'exécutif départemental a lancé un plan massif de construction et de rénovation de ses 120 collèges, avec l'objectif d'en avoir dix de plus en 2020. Sur ce total, 18 établissements auront été construits en PPP entre 2010 et 2015 et cinq autres le seront dans la période 2012-2020. «I l aurait été difficile d'assurer autant d'ouvrages à la fois en maîtrise d'œuvre publique, justifie l'élu. Nous avons gagné dix-huit mois dans notre calendrier.»

Surendettée

Mais le département a sévèrement encadré le système. Dans chaque projet, la collectivité injecte autant d’argent public que possible, jusqu’à 80 % dans les plus récents, ce qui diminue d’autant les loyers. Elle conserve la propriété du terrain et ne donne au partenaire rien de plus qu’une autorisation d’occupation du domaine public. Elle impose qu’il y ait un choix de trois architectes par édifice. Elle ne laisse en contrat que la grosse maintenance car l’entretien courant, les cantines, l’accueil et l’hébergement restent assurés par le personnel du département. En Seine-Saint-Denis, une équipe de bon niveau suit ces dossiers à plein temps. En utilisant le partenariat public-privé, Marseille, ville surendettée qui ne s’est jamais illustrée par sa gestion municipale, prend des risques.