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Diktat

Le régime n'est plus tendance dans la presse féminine

Les régimes d'antan figurent de moins en moins dans les magazines. A l’heure du «body positivism» venu des Etats-Unis, les injonctions à la perte de kilos sont chassées par une autre quête : le bien-être sur le long terme.
. (Photo Frank Perry. AFP)
par Sarah-Lou Bakouche
publié le 28 juin 2018 à 6h58

Vous voulez trouver le régime protéiné idéal pour perdre 5 kilos avant vos vacances d'été ? Vous cherchez à affiner ventre et cuisses en deux petites semaines ? Cette année, les magazines féminins français ne seront pas de votre côté. Le credo de la presse féminine est de plus en plus axé sur l'acceptation de son corps et non plus sur sa transformation radicale, comme le pointe un article du Figaro paru ce mercredi. Venues des Etats-Unis, les tendances body positive, fat positive et autre body acceptance se font une place en France. Cela fait déjà plusieurs années qu'outre-Atlantique, les modèles «plus size» posent en couverture des magazines, et que des titres de presse leur sont dédiés. Cette mouvance inclusive est intensifiée par l'utilisation des réseaux sociaux, Instagram en tête, où le hashtag #bodypositive compte plus de 6 100 000 publications de corps tous différents et fiers.

Par les réseaux sociaux

A l'heure du féminisme 2.0, c'est par le biais de ces réseaux que la tendance s'infiltre doucement en France. Le résultat se fait d'ores et déjà sentir sur le papier glacé. Le 15 juin, Glamour Magazine nous explique que compter ses calories est en fait «l'entourloupe du siècle», alors que fin 2015, le mensuel listait encore «les aliments caloriques qu'on peut s'autoriser». En juin 2017, Elle est attaqué sur la toile pour pousser sa lectrice vers «moins trois kilos avant le maillot». En 2018, il titre simplement «Belle pour l'été». Le vocabulaire change, tout comme l'état d'esprit ? «On assiste à l'échec de la notion de régime, c'est pourquoi on introduit une programmation temporelle, explique le philosophe Bernard Andrieu, professeur à Paris-Descartes, auteur de Rester Beau (1). Fixer des objectifs permet d'observer des résultats, dans une approche positiviste. La disparition du mot régime est simple à comprendre si l'on entend sa résonance ascétique. Pourquoi parler d'amaigrissement dans une phase d'empowerment ?»

Une autre tendance se dessine derrière ce changement : la promotion du corps «fit» (tonique, musclé) telle qu'il est mis en avant sur les réseaux sociaux. Mais la mentalité a-t-elle réellement changé ou bien assiste-t-on simplement à la formation de nouveaux diktats ?

Le corps idéal reste un graal

Car si on l'on n'écrit plus le mot régime, la quête du corps idéal demeure. Bernard Andrieu : «Les gens veulent rester beaux, être dans des esthétiques sociales acceptables. La salle de sport est un lieu révélateur : on y vend de l'exercice mais aussi tout un monde de diététique. C'est devenu une offre multidisciplinaire, où l'on opère une construction holistique de sa personne. Il ne s'agit plus de perdre 5 kilos avant l'été car on les a perdus avant. L'entretien n'est plus de saison, mais se fait à l'année, dans une optique durable. La culpabilisation demeure. Il suffit de regarder les campagnes avant/après. L'après est acceptable, car rentrant dans la norme sociale. L'avant ne s'est pas pris en main.» Et les tendances alimentaires, toujours prônées par nos chers périodiques féminins, continuent d'encadrer ce Graal avec des articles toujours plus cryptés. La détox pour des fesses de rêve sera-t-elle gluten-free, vegan ou à base de jus bio ?

(1) Éditions du Murmure